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Conférence Georges GUIRAUD par Jean-François GOURDOU

Grande Réunion de retrouvailles de fin de covid le vendredi 11 juin 2021 à 12 h
 Salle des capitouls de l’hôtel Mercure Saint-Georges Toulouse
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Conférence sur Georges Guiraud,  grand prix de Rome de sculpture (1901 1989)
Cofondateur de l’Académie du Languedoc en 1964.

Par le docteur Jean François GOURDOU, secrétaire perpétuel.
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Chères consœurs, chers confrères, j’ai l’honneur et le plaisir de vous présenter un résumé de la biographie  et du catalogue raisonné de notre ancien confrère Georges Guiraud avec un diaporama de ses œuvres.

J’ai pu retrouver sa biographie grâce à des archives personnelles, celles aussi de cartons d’un cousin toulousain et encore bien sûr par Internet et quelques livres d’art.

Georges Jean-Joseph Guiraud fut un grand peintre, médailler et sculpteur français, Grand prix de Rome en 1926,  cofondateur de l’Académie du Languedoc en 1964 et à l’origine du prix de sculpture de l’Académie du Languedoc qui depuis porte son nom.

Georges Guiraud est né en 1901 au sud de Toulouse dans la commune du Cabanial,  près de Caraman, au domaine de Gouyres, situé sur une colline du Lauragais donnant au printemps une magnifique vue sur les blanches Pyrénées.

Ce château du 17ème siècle aux pigeonniers pointus est dans notre famille depuis longtemps, Georges Guiraud était le cousin de mon père le Docteur Joseph Gourdou. Ils étaient très amis et il venait le voir à chacune de ses visites à Toulouse. A l’âge de 12 ans j’avais sculpté une vierge en pierre, la voyant, lors d’une de ses visites, il me dit que j’avais la vocation de sculpteur comme lui, mais je devins médecin comme mon père, toutefois il fut exaucé car je devins chirurgien, signifiant en grec ancien le travail de la main comme lui !

Très tôt Georges Guiraud fut tourné vers les arts, un peu par atavisme familial car son père officier de l’instruction publique était professeur au lycée de Toulouse et aussi peintre enlumineur.

Aussi Georges Guiraud après ses études toulousaines au lycée Fermat puis à l’école des Beaux-Arts de Toulouse voulut « monter » à Paris pour se perfectionner dans l’école des Beaux-Arts de Paris où il fut l’élève de l’atelier du célèbre sculpteur Jean Boucher. Une ancienne photographie le montre dans l’atelier de son maitre aux Beaux-Arts de Paris.

Plusieurs photographies montrent Georges Guiraud à plusieurs étapes de sa vie.

Dès lors il collectionna les prix : en 1923 deuxième prix de gravure en médailles puis en mai 1926 le premier Grand prix.Il exposa aussi au Salon des artistes français à Paris où il obtint la médaille de bronze en 1924 puis la médaille d’or en 1930.

Le Grand Prix de Rome fut créé en 1666 par le ministre Colbert du roi louis XIV avec ensuite l’Académie des Beaux-Arts et l’Institut de France, malheureusement il s’arrêta suite aux évènements de mai 1968.

En 1925 il fut 2ème Grand prix de Rome de sculpture et l’année suivante en1926 il obtint le premier Grand prix de Rome pour une superbe médaille représentant « un pécheur attaqué par une pieuvre »,  il fut alors pensionnaire à la Villa Médicis de Rome pendant trois ans  de 1927 à 1930, une belle ancienne photographie le montre avec le groupe des pensionnaires à Rome.

A son retour à Paris il s’installa dans la cité des artistes de l’observatoire où ont séjourné des célébrités dont Eugène Delacroix, Jean-Baptiste Carpeaux, Paul Belmondo, il eut son atelier donnant sur le 77 de l’avenue Denfert  Rochereau. Il y habitera toute sa vie avec son épouse Jeanne Guetton, mais ils n’eurent pas d’enfant. Depuis la cité a été démolie et reconstruite en habitations et bureaux toutefois son atelier a été conservé, comme montre la photographie ancienne et actuelle.

Dès lors de 1930 à 1985 soit pendant 55 ans Georges Guiraud eut une importante activité artistique de peintre, de sculpteur et surtout de médailler.

Après les années 1970 j’allais de temps à autre le voir à Paris dans son superbe atelier typique d’artiste,  encombré de nombreuses sculptures et bustes divers en cours de finition, j’étais impressionné et sous le charme, nous discutions et il me disait qu’ il avait eu la chance de vivre à une époque mégalithique où les hommes dressent des pierres depuis les dolmens de la préhistoire, les obélisques égyptiens,  les colonnes gréco-romaines,  les croix et les statues des saints et maintenant les monuments aux morts.

C’est ainsi que mon cher oncle me fit entrer à l’Académie du Languedoc dans laquelle il m’installa au 25ème fauteuil le 30 octobre 1987 dans le foyer du théâtre du Capitole de Toulouse.

Il y avait aussi dans l’atelier une superbe statue de femme grandeur nature en marbre blanc qu’ il ne voulut  jamais vendre ni donner d’explications,  je l’admirais et curieusement selon le destin après son décès en 1989, ses héritiers directs de Paris la mire en vente aux enchères à Toulouse en 1994, pensant en faire une meilleure vente dans sa ville de naissance. Fortuitement j’ai eu connaissance de la vente et j’ai pu l’acquérir après une vive enchère,  elle est ainsi depuis dans la maison de ma mère qui fut, me dit on ensuite, un temps  son modèle !

Georges Guiraud décédera à Paris le 12 mai 1989 à l’Age de 87 ans et sera inhumé dans la Marne à Saint-Hilaire du Temple, pays natal de son épouse Jeanne.

Voici maintenant le résumé son catalogue raisonné.

Il fut ainsi d’une part peintre de portraits et de paysages, peintre de la Marine, institution créée en 1830 par le roi Louis Philippe pour primer chaque année un artiste talentueux. En 1942 il fut nommé peintre officiel du ministère de la marine, ce qui lui permit de devenir un grand voyageur par mer dans le monde entier, en Afrique, en Amérique, à la Réunion, au nouvelles Hébrides puis en Polynésie et de réaliser d’innombrables dessins, aquarelles et peintures, dont deux que j’ai pu retrouver, grâce à notre site Internet, par le musée de la marine de Paris suite à la fermeture de celui-ci récemment.

D’autre part il fut un très grand médailler.

Il fut surtout un grand et important médaillier parisien, auteur selon son catalogue raisonné de plus de 350 médailles de bronze d’argent et d’or,  réalisées en grande partie à la Monnaie de Paris pour laquelle il était accrédité. Il participait à de nombreux concours qu’il gagnait souvent. J’ai le plaisir d’avoir pu collectionner plus d’une centaine.de ses médailles.

Certaines médailles sont célèbres.

Tout d’abord la médaille la plus connue est la pièce de monnaie à la fine tète de Marianne de la IV république des années 1950 à1960 de 10 Fr. 20 Fr. et 50 Fr. Ces monnaies sont en bronze cru pro aluminium doré. Ces monnaies ont été très largement répandues pendant 10 ans, certaines ont une grande valeur numismatique lorsqu’elles ont une anomalie sur le revers de la médaille au niveau des plumes du coq qui peuvent être uniques ou multiples. Il réalisa aussi une monnaie de 100 francs très rare car peu utilisé, et des francs en or, derniers Louis d’or de France et les monnaies de la Nouvelle Calédonie.

En second lieu en 1953 la nouvelle médaille d’Honneur du Travail des chemins de fer, cette médaille créée en 1913 à trois degrés,( bronze, argent et or) a été très largement distribuée pendant des années jusqu’à nos jours en particulier pour les agents de la SNCF et d’autres secteurs administratifs.

En troisième lieu la médaille de l’Assemblée nationale française de la mandature de 1956  avec une belle tête de Marianne et au revers le devant du bureau du président.

En quatrième lieu les médailles de l’Académie du Languedoc dont il fut un des fondateurs à Paris en 1964. Il réalisa principalement la médaille de l’association Toulousaine de Paris et la première médaille de notre collier représentant la tête de Clémence Isaure sur une croix du Languedoc et notre médaille de l’ordre latin puis plusieurs autres : les médailles  du prix Apollon,  du prix Goudouli,  du prix  Renée Aspe,  celle des anciens élèves du lycée Fermat, celle de la chambre de commerce et du tribunal de commerce, celle du parc des expositions, la famille Sénac et surtout la très belle médaille de la ville de Toulouse qui est toujours distribuée. Il créa encore notre diplôme d’appartenance de fauteuil et de prix utilisé toujours depuis.

Enfin et surtout il réalisa de nombreuses médailles pour différentes personnalités, associations et sociétés. Celles pour la marine avec une médaille pour chaque lancement de navire, croiseurs,  porte-avions, sous-marins dont des « tape- bouche » au bout du canon principal pour une inauguration . Médailles pour l’armée  avec de nombreux colonels et généraux dont de Gaulle, Leclerc…Médailles pour l’aviation dont Mermoz, Potez, Didier Daurat. Médailles pour de nombreux académiciens avec leurs épées… Médailles pour des célébrités nationales lors de leurs anniversaires : Montaigne, le Notre, Alexandre Dumas, les contes de Perrault, Chateaubriand… . Médailles pour l’agriculture, l’industrie, les sports, le cinéma et enfin les pays d’outre-mer dont la Réunion, Cuba, Tahiti. Toutes ses médailles sont superbes, très fines, avec de très beaux reliefs sur l’avers et le revers, toujours classiques avec un style des années trente et toujours avec des portraits le plus souvent de profil très ressemblants et expressifs.  Enfin  les médailles sont  toujours signées  Georges Guiraud, souvent avec une ancre de marine, privilège des peintres de la Marine.

 

Dans le même temps en troisième activité il fut un grand sculpteur et réalisa de nombreuses œuvres dont certaines monumentales de 1930 à 1985.

Au début à Paris et à Rome, il réalisa de grandes statues classiques en plâtre et en terre puis il opta pour le style dit des années trente en particulier pour de nombreux bas-reliefs décoratifs, avec déjà une technique nouvelle utilisant les résines. Il réalisa ainsi le monument aux morts de son village du Cabanai,  il avait fait auparavant celui du village voisin de Mouzens.

Il eut alors déjà des commandes extérieures d’une part en 1930 en Pologne pour la stèle du directeur d’usine Victor Tézenas du Montcel et en 1931 à Séville pour décorer de sculptures le palais et les jardins du comte Castilleja.

En 1932 il participa à la reconstruction de l’église du Blanc-Mesnil avec des bas-reliefs de ciment et en 1938 à celle de Juvezy avec une grande statue de la Vierge dans le chœur.

A partir de 1933 il réalisa de nombreux monuments commémoratifs comme celui de JCN Forestier au bois de Boulogne à Paris et de R Dupray de Mahérie à Pervenchères et aussi des monuments funéraires comme le buste de Jean Romanette, musicien sur sa tombe du cimetière de Clamart.

Il réalisa encore de nombreux bustes et stèles en particulier celui d’André Blondel de la galerie de l’Ecole des Ponts et Chaussées de Paris et de Jacques Bingen à l’Ecole des Mines de Paris

En 1939 il obtient la décoration sculptée d’animaux de la nouvelle Ecole vétérinaire de Toulouse mais qui du fait de la guerre changea d’affectation pour une autre école : l’ ENSICA

Ce fut alors le début des grands monuments :

En 1947 il réalisa la très grande statue de pierre de Jean-Charles Borda, mathématicien, officier de marine, érigée sur la grande place de Dax (Landes) puis en 1948 le monument aux sous-mariniers de Toulon.

En 1950 Grand Monument aux morts de Chambery, rénovation du monument aux Morts de 1914- 1918 et 1939- 1945 et monument-buste sur colonne de l’amiral Robert Battet à Neuvy sur Loire.

En 1951 Grand Monument de Saint-Gaudens (31) des 3 maréchaux de la guerre 1914-1918,  Foch,  Joffre,  Galieni, inauguré par le président Vincent Auriol.

En  1951 Grand Monument de Chasseneuil sur Bonnière (Charentes),  Mémorial de la Résistance Française  1940-1945 avec le V de la victoire et une immense croix de Lorraine.

En 1955 Saint-Louis du Sénégal, monument du passage de l’Atlantique par Jean Mermoz et monument aux morts de Saint-Denis de la Réunion.

En 1958 monument stèle à Cortina d’Ampezzo Italie pour Déodat de Dolomieu, géologue inventeur des Dolomites.

En 1959 monument stèle de Saint-Joseph de la Réunion, Raphael Babet et monument-buste sur colonne à Yaoundé (Cameroun) pour le docteur Jamot vainqueur de la maladie du sommeil.

Série des grandes  proues de navires pétroliers de plusieurs mètres réalisées en résine par Georges Guiraud. En 1958 L’ Esso Parientis, nom du village du premier forage de pétrole. En 1960 Le Lorraine, en 1961 le Bourgogne, en 1962 l’Alsace.

En 1962 monument-buste du gouverneur général, Gaulliste en  1942 en Afrique,  Felix Eboué, à Pointe à Pitre, Guadeloupe.

En 1964 décoration en ferronneries du palais du président Houphet Boigny de Côte d’Ivoire.

En 1967 rénovation de la salle des fêtes de la mairie de Saint-Joseph de la Réunion,

En 1969 monument-stèle à Corfou, Grèce pour Nicolas Politis

En 1971 Grand monument à Montaudran à Toulouse avec stèle pour Didier Daurat, héros de l’Aéropostale.

En 1975 Grande statue en bronze de Leucate de Francoise Cezelly, héroïne de la défense du village.

En 1978 monument funéraire avec stèle aux iles Marquises pour la tombe de Jacques Brel et sa compagne  Madly, avec lesquels il avait noué une fidèle amitié pendant son long séjour en Polynésie.

Enfin en  1979 grand monument de pierre  à Villefranche de Lauragais pour Déodat de Séverac, musicien de Saint-Felix, sculpté en 1939,  puis mise en réserve à cause de la guerre et inauguré le 14 aout 1979 avec l’Académie du Languedoc.

En conclusion telle fut la belle, longue et riche vie de Georges Guiraud, qui fut à la fois peintre, médailler et sculpteur pendant 55 ans. Je tenais depuis longtemps à faire sa biographie et son catalogue raisonné de ses nombreuses œuvres. Profitant des temps de confinement j’ai pu les réaliser en éditant un livre et en vous présentant ce diaporama. Je suis ainsi heureux d’avoir fait mieux connaitre George Guiraud à tous les membres de sa chère Académie du Languedoc et à un plus grand nombre d’amateurs d’arts en général et de sculpture en particulier.

Dr Jean-François  GOURDOU

« L’Anomalie »

(Hervé Le Tellier) : Prix Goncourt 2020

&

« Les Impatientes »

(Djaïli Amadou Amal) : Prix Goncourt des Lycéens 2020

 

Ces deux Prix Goncourt 2020 ne peuvent en aucun cas laisser le lecteur indifférent et nous ne pouvons que saluer le choix pertinent de ces deux romans si différents.

« L’Anomalie » nous perturbe en nous plongeant avec maestria dans le monde déroutant de la virtualité, des possibles difficilement envisageables, mais que le talent et l’humour de Le Tellier sait rendre parfaitement accessibles. Dans cette narration, la date si importante du « 24 juin 2021 » ne pouvait qu’inciter à explorer aujourd’hui même les mystères de ce roman !

Dans un autre style, « Les Impatientes » nous fascinent et nous effraient en même temps par l’évocation de pratiques ancestrales qui dépassent l’entendement mais qui ont bien lieu encore chez de nombreux musulmans africains. Il n’est jamais inutile dans ces cas-là de rappeler à tous et avec détails ces traditions toujours vivaces qui feront dire à une héroïne : « On m’a volé ma jeunesse, on m’a volé mon innocence. »

 

Vous trouverez ci-après une présentation de ces deux romans
par Maryse CARRIER  Membre associé de l’Académie du Languedoc.

Prix Goncourt des Lycéens 2020 « Les Impatientes »

« Les Impatientes » de Djaïli Amadou Amal
Prix Goncourt des Lycéens 2020

par Maryse CARRIER
Membre associé

Le roman « Les Impatientes » fut une véritable révélation, permettant au grand public de découvrir Djaïli Amadou Amal, auteur camerounaise inconnue jusqu’à présent en France, révélée grâce à Emmanuelle Colas, éditrice inspirée d’une petite maison d’édition, et grâce à l’obtention surprise du Prix Goncourt des Lycéens 2020.

Ce roman qui met en scène la vie quotidienne de trois femmes débute par une somptueuse et effervescente fête d’un double mariage au sein de la bourgeoisie peule au Sahel : tout n’est que luxe ostentatoire avec « chants des griots mêlés aux youyous des femmes et accompagnés de joueurs de luth et de tambourin… ». Suivra un « banquet gargantuesque » dont  les femmes seront exclues !
Mais ces festivités ne cachent-elles pas en réalité un drame ? Les deux futures épouses, les toute jeunes Ramla et Hindou, deux demi-sœurs, vont être en effet mariées de force à un homme qu’elles n’aiment pas et sont plongées dans la désespérance. Alors que leur père notamment et d’autres membres de la famille leur prodiguent sans cesse des conseils « avisés » tels que « Patience, munyal, mes filles, car la patience est une vertu et une prescription divine », ainsi que  « Soyez soumises !» et alors que leur oncle leur énumère les trente commandements du Coran donnés « de génération en génération à toute nouvelle mariée », elles vivent toutes les deux un véritable cauchemar.
« Une rage impuissante et muette m’étrangle», pleure  Ramla, car cette union l’oblige non seulement à abandonner ses études pour devenir pharmacienne mais aussi à rompre avec Aminou, son grand amour. Son oncle en effet a décidé qu’elle devait épouser « l’homme le plus important et le plus riche de la ville » !
Toutes ses suppliques auprès de son père et de son oncle, pour qu’ils reviennent sur leurs décisions, ne se heurteront qu’à des refus et même à des menaces de sévices corporels. Pourquoi continuer d’ailleurs à penser à Aminou ? Tout cela n’est qu’ « enfantillage… l’amour n’existe pas avant le mariage, Ramla. Il est temps que tu redescendes sur terre. On n’est pas chez les Blancs ici…», lui dit sa mère, ravie à l’idée que ce beau mariage va « faire pâlir de jalousie toutes les coépouses » et mettre en outre sa fille à l’abri du besoin.
Force est de constater que dans cette société où le père, le mari ont « tous les droits et la femme tous les devoirs », toutes ces mères prisonnières d’un système ancestral qu’elles reproduisent, ne semblent pas prendre toujours la mesure exacte de la violence faite aux femmes, induite indubitablement par tous ces mariages précoces et forcés, auxquels elles-mêmes furent pourtant soumises.
Et même si le jour du mariage de leurs filles, mères et tantes affichent des « yeux rougis et si des larmes creusent des sillons profonds sur leurs joues ridées», elles accepteront toutes les décisions patriarcales, car dit le Coran : « Vous appartenez chacune à votre époux et lui devez une soumission totale instaurée par Allah » !
Après la cérémonie du mariage Ramla rejoindra Alhadji Issa, son époux de 50 ans « choisi par Dieu », dans sa vaste et luxueuse concession, puisque selon les propos de son père : « Le destin en a décidé ainsi ».
Le Prophète ne dit-il pas pourtant que « le consentement d’une fille à son mariage est obligatoire » ?…

Quant à Hindou, totalement effondrée, elle appartiendra désormais à la concession de son oncle Moussa, un frère de son père, car elle doit impérativement épouser son cousin Moubarak, alcoolique et drogué, un bon à rien, qui comme ses frères d’ailleurs volera même l’argent de son père.
La nuit de ses noces, Hindou sera « violée brutalement et même assommée d’un coup violent » car « elle fait preuve de réticences. » Personne ne s’en formalisera, même pas le médecin qui devra soigner son corps : « C’est un acte légitime » lui dit-on, « ce n’est pas un viol, c’est un acte d’amour », « soumission et respect à son époux » étant  les deux règles élémentaires et impératives qu’aucune femme ne doit jamais oublier… Et quel est le principal sujet d’inquiétude de la mère de Hindoue lorsque celle-ci vient un jour expliquer à ses parents que Moubarak peu après le mariage s’est enfermé un après-midi dans la chambre avec une fille ? : Pourvu que les coépouses – et rivales – n’apprennent  pas les déboires des  deux femmes ! Dans une concession en effet « où les femmes tournent en rond comme des lionnes… on ne se contente pas de détester sa coépouse mais on hait aussi toute sa progéniture. »
Suite à des menaces et à de violents coups répétés sur son corps recouvert bientôt de multiples hématomes ou ecchymoses (« à cause d’un malentendu » bien sûr, tout cela étant « dans l‘ordre des choses » !), Hindou décide un matin de quitter la concession. Bientôt retrouvée, elle sera alors flagellée par son père, fou de colère, qui frappera aussi sa mère, laquelle avait confié un jour à sa fille : « J’ai piétiné mes rêves pour mieux embrasser mes devoirs.»
Lors de l’accouchement de son premier enfant, on recommande à Hindou « de ne pas pleurer, de ne pas crier », sinon sa « dignité sera bafouée. C’est la volonté d’Allah d’accoucher dans la douleur.»
Hindou, anorexique à présent, est-elle devenue folle, est-elle possédée par un djinn malveillant ? « Combien de séances de prières ont murmuré les marabouts au dessus de ma tête ? » pense-t-elle, tandis qu’elle ne « supporte plus ni la vue ni la voix de son mari… de son père ou de son oncle » : Munyal, munyal ! Patience ! « Non, je ne suis pas folle, dit-elle. Pourquoi m’empêchez-vous de respirer ? Pourquoi m’empêchez-vous de vivre ? »

La troisième femme que nous rencontrons dans ce roman se prénomme Safira, la première et jusqu‘à présent l’unique épouse aimante de Alhadji Issa. Mais après 22 ans de mariage, Issa a pris une nouvelle femme, à peine plus âgée que la fille de Safira : « Je suis peut-être polygame, mais jusqu’à preuve du contraire je suis un homme libre et je fais ce que je veux », précise-t-il.
Or la présence de la nouvelle épouse, qui n’est autre que Ramla (que nous retrouvons ici)  provoque ire et implacable jalousie de la part de Safira, la daada-saaré, pilier de la maison et de toute la famille : « Je ne veux pas partager mon mari ni me résigner en victime expiatoire ! », s’écrie-t-elle immédiatement.
En parfait connaisseur des rivalités entre coépouses, « livrées à une concurrence féroce », Issa les prévient à travers ce chantage : « Si vous me rendez heureux par votre bonne conduite, je ne prendrai pas de troisième épouse » !
Safira va dès lors mettre tout en œuvre pour « reconquérir son mari, son amant » et ne veut surtout pas entendre parler de munyal, même si ce terme est prononcé par un marabout !
Redoutant par-dessus tout que Ramla tombe enceinte, car « chaque enfant qu’elle aura ne fera que diminuer l’héritage des siens », Safira va préparer sa vengeance : tout d’abord elle laisse croire à son mari que Ramla lui a dérobé 6 ou 7 millions, ce que celle-ci nie bien sûr, en criant au complot ! Furieux Issa va tout d’abord répudier les deux femmes, pour finalement les reprendre.
Mais « telle une araignée, Safira tisse inexorablement sa toile autour de son innocente coépouse », faisant croire à présent à Issa que Ramla a un amant. Issa accable la malheureuse, la frappe, la blesse avec un couteau tout en étant convaincu de son impunité au cas où il l’égorgerait, car « dans ce pays, dit-il,  les riches ont toujours raison.»
Après la fausse couche de Ramla, une amitié va étrangement se nouer entre ces deux femmes mais Ramla, trompant la vigilance des gardiens, va partir une nuit avant l’aube et s’évanouir dans la nature. Pour rejoindre son ancien fiancé ?
Persuadée qu’Issa reprendra une nouvelle épouse, Safira, consciente qu’elle ne reste pas dans cette concession uniquement « par amour mais pour protéger ses enfants et être à l’abri du besoin », pense à présent : « Peu importe l’épouse qui viendra… je dois garder mon calme… je lutterai… je gagnerai encore la bataille. »
Entend-elle les femmes de la famille lui répéter : « Et n’oublie pas, Safira : munyal, patience… » ?

« Les Impatientes », véritable réquisitoire contre des traditions sociales et religieuses ancestrales, à savoir le mariage forcé et la polygamie, pratiquées aujourd’hui encore dans de nombreux pays musulmans d’Afrique notamment, « laisse trois personnages féminins raconter leurs calvaires », leur descente aux enfers.
Djaïli Amadou Amal connaît bien ce sujet, pour avoir elle-même « subi deux maris épouvantables dans sa jeunesse », avant de créer l’association « Femmes du Sahel, d’épouser un mari ingénieur-écrivain » et de s’investir dans la littérature. Saluons cependant le courage de cette « impatiente » : ses prises de position, ses œuvres lui valent en effet toujours « pas mal d’attaques, voire de menaces sur les réseaux sociaux ou lors de conférences », de la part de tous ceux qui osent prétendre encore comme dans le roman qu’« une femme heureuse se reconnait à ses voyages à la Mecque ou à Dubai, à ses nombreux enfants et à sa belle décoration intérieure », et qui n’hésitent pas d’ajouter que «  la polygamie est indispensable pour le bon équilibre du foyer conjugal » !
Félicitons d’autre part tous les jeunes lecteurs qui ont plébiscité ce roman en lui attribuant un prix prestigieux, leur sensibilité, leur désir de liberté, d’égalité entre hommes et femmes, leur besoin de fraternité ayant sans aucun doute guidé leur choix si judicieux.

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Prix Goncourt 2020 « L’Anomalie »

 « L’Anomalie »    Hervé Le Tellier
Prix Goncourt 2020

par Maryse CARRIER
Membre associé

« L’Anomalie », Prix Goncourt 2020, est un roman remarquable, à la fois passionnant et surprenant, « tenant à la fois du thriller, de la comédie humaine et du récit de science-fiction », selon l’auteur lui-même.
Ce roman particulièrement dense, en trois parties, où chaque chapitre pertinemment introduit par une précision géographique et temporelle comprend un portrait et un style littéraire différent, nous invite à croiser entre autres onze destins de personnages français et américains, de « tous les âges, de tous les genres et de toutes les couleurs de peaux. »

Dès le premier chapitre « Aussi noir que le ciel » nous découvrons Blake, un tueur à gages français, qui mène une double vie (ce qui est loin d’être anodin), Victor Miesel, traducteur et écrivain « maudit », dont « l’Anomalie » deviendra un roman culte après son suicide, une brillante avocate noire, Joanna Wasserman, compromise par nécessité au sein d’une importante société pharmaceutique polluante et qui sait deviner dans le rictus de son patron « ces signes symboliques qui imprègnent toutes les relations raciales ». Voici également  la jeune Sophia Kleffman, dont la grenouille Betty va étrangement ressusciter et dont la mère à présent a peur de son époux, lieutenant héroïque de l’armée américaine, « devenu brutal et égoïste » depuis ses missions en Afghanistan. N’oublions pas le chanteur nigérian Slimboy, atterré par la situation économique et sociale de son pays et par l’homophobie régnante. Quant à l’architecte André Vannier, qui a dû se rendre en Inde pour remédier aux graves et dangereuses défaillances dans la construction par les autochtones de la Suryaya Tower, dont il est responsable, il vient d’être informé que Lucie, sa jeune, trop jeune amie, le quitte. Nous apprenons encore que l’un des meilleurs oncologistes de New-York ne peut plus rien face au cancer du pancréas, dont est victime son frère David
Cette galerie de portraits ne serait pas complète sans la présence d’un jeune mathématicien surdoué de Princeton, Adrian Miller, auquel le Pentagone, déplorant son propre manque de réactivité lors du 11 septembre 2001, va demander d’imaginer « un protocole d’accélération des procédures » d’intervention. Par jeu Adrian invente avec Tina Wang le protocole 42, « une farce de matheux », au cas où les USA seraient confrontés à une situation jamais encore envisagée.
Mais quel est donc le point commun entre tous ces personnages, qui à la fin de chaque chapitre seront tous arrêtés (sauf Miesel) ?…
Il s’avère que le 10 mars 2021, ils ont tous pris le Boeing 787 pour un vol Air France 006 entre Paris et New-York (atterrissage à Kennedy Airport), piloté par le commandant Markle : tous sans exception ont cru que leur dernière heure était arrivée, leur avion étant pris dans des turbulences apocalyptiques comme dirigées par « une main invisible.»
Or un évènement bien mystérieux va plonger toutes ces personnes – et le lecteur – dans la sidération :
Trois mois plus tard en effet, le 24 juin 2021, le même Boeing que celui du 10 mars, effectuant le même vol entre Paris et New-York, transportant les mêmes 243 voyageurs, piloté par le même commandant de bord et endommagé lui aussi par des turbulences, reçoit l’ordre menaçant du Norad, puis du Pentagone de ne pas atterrir à New-York, mais sur la Base McGuire Air Force à New-Jersey, l’équipe du protocole 42 étant en alerte.
Mais « d’où sort cet avion, qui semble surgir de nulle part et qui a donné le code erroné d’un vol Air France Paris New-York ? »

Dans la deuxième partie intitulée « La vie est un songe », nous apprenons que ces derniers passagers sont immédiatement conduits dans un hangar secret et bien équipé, où ils seront « interviewés » et espionnés par la CIA et le FBI. Quant aux soldats qui les surveillent, ils « ont pour consigne de ne rien révéler de la date » actuelle à ces voyageurs, persuadés d’être au 10 mars. Ceux-ci sont d’autre part observés discrètement depuis une plateforme par les passagers du « premier » Boeing, « conduits par le FBI dans des fourgonnettes aussi noires que discrètes » jusqu’au même hangar… sur la Base McGuire Air Force à New-Jersey !
Mais que dire à ceux qui viennent juste d’atterrir ? demande Tina Wang au général de la Défense, Silveria : « Je vous conseille de ne pas leur dire qu’ils existent tous déjà en double quelque part et qu’ils n’ont rien à fiche sur Terre… », répond-il.
Situation de crise à la Maison Blanche ! Elle va se répercuter en France et en Chine, cette dernière étant restée étrangement muette sur un problème identique d’avion et de personnages « dupliqués. » Aucun prix Nobel ou Fields, aucun philosophe ne peut fournir d’explication, on avance alors l’hypothèse Bostrom de la simulation informatique, la CIA convoque les représentants de toutes les religions, qui ne fourniront « qu’une réponse doctrinale et fausse »… Et après la révélation par le Times de ce secret d’Etat, la NSA et Air-France, adeptes de « l’effacement », décident de « faire disparaître toute trace numérique du vol 006 du 10 mars. » De toute façon personne ne réclame ni cet avion si mystérieux ni ses passagers ! Mais le monde entier avec ses thèses complotistes, ses influenceurs, ses adeptes d’extraterrestres, ses illuminés, ses fanatiques… va apprendre la nouvelle.
Or « Quand 7 milliards d’êtres humains découvrent qu’ils n’existent peut-être pas, la chose ne va pas de soi » et cela peut même entraîner des suicides.

Dans la dernière et troisième partie « La chanson du néant », Hervé le Tellier nous plonge définitivement dans le monde inquiétant de la virtualité, ancrant la science-fiction dans la réalité.
L’invraisemblable se produit sous nos yeux, car nous assistons à la confrontation entre les passagers de mars et leurs « doubles » de juin, différenciés par l’appellation March ou June et assistés de psychologues ! « Rencontres du deuxième type », voire du « troisième type »…
En dépit de toute logique, chacun est bien obligé de penser : « Je suis toi, tu es moi ». Confrontés à cette nouvelle situation plus qu’insolite, source parfois de profonde introspection, de multiples questionnements sur le sens de la vie, le vieillissement, la mort, la pédophilie, la vie de couple, la garde alternée, la création littéraire…  comment vont-ils tous trouver une solution ?  En tuant son « double » comme Blake ou en se faisant établir un faux état-civil, pour prouver que « nous sommes jumeaux », comme le propose un des Slimboymen ? Mais la gémellité ne risque-t-elle pas d’attirer les foudres de fanatiques religieux (tel Jacob Evans), qui considèrent les « doubles » Adriana March et Adriana June comme des Impures ?
Comment expliquer enfin  la « résurrection », « le double » de Victor Miesel « censé être mort » depuis son suicide le 22 avril : « Il était donc dans cet avion ? ». Victor affirme entre autres que « ce n’est pas lui qui a écrit « L’Anomalie», se demandant « si en fait nous ne sommes pas tous dans une  « simulation ».  Et c’est ce « revenant » qui affirme que c’est bien « dans l’avion, comme tout le monde » le 10 mars qu’il a « ressenti le moment exact que certains appellent la « divergence » ou même parfois « l’anomalie »… Puis « Les turbulences ont cessé et le soleil est revenu dans la cabine. Cette dernière phrase est aussi la définition du Prozac », poursuit-il avec un demi-sourire.

Car l’humour n’est pas absent de ce roman et l’on devine le plaisir de l’auteur lorsqu’il ironise sur des personnages qui rappellent étrangement un célèbre mathématicien français ou un président américain et ses assertions simplistes : « Une fois l’espace replié, il suffit d’y faire un  trou » ! Mais il s’agit souvent d’un humour au deuxième degré : Jacob Evans n’est-il pas « aidé par Dieu, Instagram et Facebook » ? Et surtout n’oublions pas que « la liberté de pensée sur Internet est d’autant plus totale qu’on s’est bien assuré que les gens ont cessé de penser. »
Nous constatons souvent à quel point Hervé Le Tellier dans cette narration non linéaire prend plaisir à jouer avec les codes des styles comme nous l’avons vu, à jouer aussi en permanence à perdre son lecteur avec des mots, des phrases à double sens, l’obligeant à interpréter tous les non-dits, à se livrer à de fréquents retours en arrière ; il n’est pas rare en effet qu’une seconde lecture ne s’impose afin de saisir le sens caché du texte, toutes ces « choses cachées comme des œufs de Pâques » a dit l’auteur lui-même,  comme c’est le cas avec « l’aventure » du roman de Victor Miesel qui a été en fait terminé par son éditrice, ce que l’on ne peut que deviner.
Ne joue-t-il pas aussi avec délectation sur cette notion du double (à l’image de Romain Gary qui exista sous deux  noms jusqu’à sa mort), d’autant que « Je n’ai aucun doute sur cette idée du double : nous ne sommes pas seuls dans l’univers… », a affirmé un jour Le Tellier avant de conclure : « Il y a plusieurs univers simultanés qui existent et qui sont finalement des lieux d’embranchements du temps. »
C’est dire qu’Hervé Le Tellier, spécialiste de la littérature à contraintes, se comporte en digne président de l’OuLipo (« l’Ouvroir de Littérature potentielle »), groupe de littérature inventive, expérimentale et ludique, créée en 1960 par Raymond Queneau.
En tout cas « L’Anomalie » (Ed. Gallimard) est le deuxième prix Goncourt le plus vendu de l’histoire et il devrait être bientôt adapté en série.

Ce « roman de romans, virtuose et vertigineux » qui aborde un vaste panel de sujets d’actualité, mais où « la logique rencontre le magique », où la planète est confrontée à une vérité nouvelle, ne remet-il pas en cause toutes nos illusions ? Reprenons cette citation de Nietzsche évoquée dans cette œuvre si riche en références scientifiques et littéraires : « Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont. »
Et laissons le mot de la fin à Victor Miesel : « C’est de l’espèce humaine tout entière que la simulation attend une réaction. Il n’y aura pas de sauveur suprême. Il faut nous sauver nous-mêmes » sauf si, comme à la dernière page, un troisième vol Air France 006 avec les mêmes passagers, piloté par le même commandant de bord Markle…  mais quel sera à présent l’ordre donné par le président des Etats-Unis ?  « Et le temps alors s’étire, s’étire avant… la vibration lente du monde. » Nouvelle « anomalie », « chanson du néant » ?…

Deux tableaux de Georges Guiraud

Du site internet de l’Académie du Languedoc à deux tableaux de Georges GUIRAUD

par

Dr Jean-François GOURDOU   (Secrétaire perpétuel)

 

Une restitution inattendue de son oncle pour le docteur Jean-François GOURDOU secrétaire perpétuel.

 

Grâce au nouveau site internet de l’Académie du Languedoc créé par notre nouveau membre titulaire le professeur Michel CARRIER, une ouverture régionale, nationale et internationale a pu avoir lieu pour notre Académie et ainsi elle a pu porter immédiatement les fruits de sa renommée, diffusée ainsi à la connaissance d ‘un large public culturel.

C’est ainsi qu’une charmante internaute en pianotant sur « google » a pu trouver toutes les informations utiles et nécessaires sur notre compagnie.

Cette éminente personne du Ministère des Armées Françaises et plus particulièrement de la Marine, nommée Marie-Christine GOULEY est responsable du CESM soit le Centre d’Etudes Stratégiques de la Marine, chargée de la gestion des peintres officiels de la marine.

Cette notable  institution avait été créée en 1830, donnant  le titre de Peintre Officiel de la Marine à un artiste-peintre sélectionné par concours chaque année. cela donnait le droit d’inscrire une petite ancre de marine à côté de la signature de ses œuvres et surtout  la possibilité de voyager gratuitement, par bateau de la marine nationale bien sûr, dans le monde entier pour peindre des tableaux de marine. Chaque peintre donnait un tableau qui était conservé dans un musée avec chaque année une exposition itinérante dans les ports Français, organisée par le SIRPA, Service d’Information et de Relations Publiques des Armées, cela dura ainsi longtemps.

Mais en 1980, le prix fut supprimé lors d’une première restriction budgétaire, les tableaux restèrent dans le musée mais avec diminution des expositions jusqu’à il y a quelques années, puis le musée fut fermé et supprimé récemment, encore une restriction budgétaire comme toujours au dépens de la culture.!

Aussi la Marine décida de restituer les tableaux, ne pouvant les garder, à leurs propriétaires ou leurs ayant-droits. Madame Marie-Christine GOULEY fut chargée de cette redistribution !

Mais ce fut une mission presque impossible car la plupart des artistes-peintres étaient décédés sans laisser d’adresse d’héritiers, aussi elle dû faire d’importantes recherches à partir des noms propres, tel fut le cas de Georges GUIRAUD lauréat en 1942. Malheureusement celui-ci décède en 1989 sans laisser d’adresse, de plus il n’avait pas eu d’enfant, ni de frère, les autres homonymes Guiraud déclarant n’avoir pas de peintre dans leurs familles !

C’est ainsi que la révélation vint d’Internet et de notre site ! Madame Marie-Christine GOULEY tapant le nom de « Georges GUIRAUD » sur « GOOGLE » trouva son nom et le site de l’Académie du Languedoc. Dès lors elle prit contact avec notre webmaster Michel CARRIER. Celui-ci lui confirma que Georges GUIRAUD était bien un célèbre artiste-peintre, médailler et sculpteur, membre fondateur en 1965 de l’Académie du Languedoc à Paris et à Toulouse, un prix de sculpture portant son nom étant distribué chaque année par l’Académie.

Mais elle lui demanda encore : « Connaissez-vous aussi des héritiers de G. GUIRAUD ? » Bien sûr répondit Michel CARRIER, notre secrétaire perpétuel le Dr Jean-François GOURDOU est justement un de ses neveux et il est en train d’établir le catalogue raisonné de ses œuvres, aussi je vais vous communiquer son adresse et son mail.

Ainsi je reçus le 21 janvier 2021 un mail de madame Marie-Christine GOULEY m’informant des péripéties de feu l’institution des Peintres de la Marine et du devenir de leurs œuvres, me demandant si j’étais intéressé de recevoir les deux tableaux de Georges GUIRAUD du musée.

Ma réponse fut bien sûr un « oui » chaleureux, car je n’avais pas de peintures de celui-ci, ayant pu acquérir de lui 130 médailles sur les 360 qu’il a gravées dans sa vie, dont les pièces de monnaies de la IV république, la médaille du travail et des médailles pour l ‘Académie du Languedoc, de plus à côté d’une centaine de monuments de pierre dont le monument des trois maréchaux à Saint Gaudens et le monument de Déodat de Séverac à Villefranche de Lauragais.

Enfin après deux autres mails de confirmation « bleu blanc rouge », je reçus en livraison à domicile par un aimable chauffeur de la Marine les deux précieux tableaux qui avaient tant voyagé, dont un coucher de soleil en Polynésie effectué justement lors d ‘un grand voyage sur un bateau de la marine nationale parti d’Europe et revenu par l’Orient soit un tableau ayant fait le tour du monde, je vais donc l’ajouter au catalogue raisonné avec sa belle histoire !

J ‘ai adressé mes chaleureux remerciements à madame Marie-Christine GOULEY, à Michel CARRIER et à son site, sans qui cette belle histoire ne serait pas arrivée, en étant sûr que grâce à lui bien d’autres belles histoires arriveront.

Encore un grand merci à internet, à notre site et à Michel CARRIER, en espérant chers Académiciens vous revoir bientôt en « présentiel » comme l’on dit maintenant.

Adissiatz à toutis

L’antre d’une artiste

L’antre d’une Artiste, chez Madeleine.

par

Robert Mosnier . .(21ème fauteuil)

            Un ciel d’azur, un sol de galets disjoints dans cette cour d’un hôtel particulier de Toulouse, une porte où l’on accède par deux marches et nous découvrons l’antre de Madeleine Tézenas du Montcel, sculpteur.

La vue se fige, un vaste corridor nous précède, des personnages de tout acabit nous contemplent, bustes hiératiques ou moqueurs, regards étonnés devant notre invasion, expressions du vivant qui déconcertent au premier abord puis nous accueillent.

Des toiles ou des dessins parsèment les murs et une tenture de Marc Saint-Saens arabesques ou vagues ondulées inscrit la morale des lieux, tout est mouvement en profondeur dans une indicible douceur.

Ce n’est pas sans réserve ni timidité que l’on approche tant de merveilles qui bousculent nos représentations, vont à l’essentiel, un trait de caractère, une émotion révélée.

L’odyssée de l’Aéropostale présente ces héros de la conquête de l’espace à la recherche d’un absolu où le tragique libère l’imaginaire, se poursuit jusqu’à André Turcat, mythique pilote du Concorde ou d’un rêve inachevé jusqu’à Thomas Pesquet qui nous familiarise avec le Cosmos.

Des chevaux aux naseaux frémissants, des groupes d’inspiration diverses traversent cette multitude où l’écho se propage et le souffle se répand.

L’histoire côtoie le quotidien où dans cette esquisse un de Gaulle sans sa superbe partage sa tendresse avec sa fille Anne, le Pape Jean-Paul II, non sans malice sur un socle incliné, bénit la collégiale de Compiègne, un Jacques d’Aragon, depuis le port de Lattes scrute son royaume de Majorque.

Sur les consoles, le moindre recoin, la vie abonde, des esquisses apparaissent, projets inavoués ou interrompus, écartés pour un temps mais non abandonnés, le seul intérêt de Madeleine est de nous les rendre accessibles et cela aux yeux de tous.

La conscience parfois s’embrouille, le foisonnement est tel qu’il nous faut un havre de repos.

Alors apparaissent ces zones d’intimité où le corps se détend, se love dans un fauteuil pudiquement appelé berceau sous les frondaisons d’une glycine qui délivre, la fenêtre entrouverte, son délicieux parfum.

Tout est attache, souvenir parfois douloureux mais dont l’espérance transcende la mémoire et s’accomplit dans la paix recouvrée.

Madeleine n’est pas seule, elle donne et partage la vie de ces êtres qu’elle prolonge, renvoie au vivant ce qui était mort ou masqué, métamorphose d’un instant en vue d’une éternité.

L’ancien et le contemporain à l’instar de Saint-Ex se contemplent, s’allient dans cet esprit d’unité où il n’y a nul artifice, ni compromis, l’apparence n’est que besoin de réparation, elle n’en a cure.

Il est difficile de se détacher de cette empreinte dont le reflet se propage tant l’intime est force de présence.

Ombres et lumières, outrages et ravissements, force de conviction traversent l’œuvre et la vie de Madeleine, donnent à son art cette transcendance qu’elle sait nous faire découvrir.

Robert Mosnier . Académicien . 21ème fauteuil

L’Entente cordiale

L’entente cordiale – France Angleterre de 1815 à nos jours.

par

Robert MOSNIER (21ème fauteuil)

            Depuis 1815 la lutte fratricide entre les deux nations a laissé place à une amitié non dépourvue  d’équivoque mais animée par des intérêts communs.

Peuple de marins, industrieux et commerçants dominant les mers les anglais, peuple d’agriculteurs  attachés à la richesse foncière, les français. Les deux pays sont complémentaires et ont cherché à fusionner, la dernière tentative avortée remonte à la débâcle de 1940 où Winston Churchill et Paul Raynaud envisageaient de rassembler les deux empires coloniaux dans leur lutte contre l’Allemagne nazie.

Mais revenons à cette nuit du 17 au 18 juin 1815.

L’orage gronde du côté du Mont Saint Jean à quelques lieux de Bruxelles. Des trombes d’eau s’abattent, le terrain est détrempé. Les hommes engoncés dans leurs uniformes se blottissent les uns contre les autres recherchant chaleur et réconfort, car demain le choc des titans va décider du sort de l’Europe.

Pendant ce temps à Bruxelles, au bal de la duchesse de Richmond, les jeunes officiers anglais dansent … Wellington, le chef de l’armée anglaise, les regarde avec tendresse et compassion, sanglés dans leur uniforme rouge. Combien d’entre eux baigneront dans leur sang, le lendemain. Il est 3 heures « Allons, Messieurs, dit le généralissime, rejoignez vos cantonnements ».

Le sol est boueux dans cette plaine ondulante et vallonnée où les charges des cuirassiers se brisent sur les carrés anglais.  Hougoumont, la Haye Sainte, la Belle Alliance, ces fermes transformées en redoutes seront prises et reprises.

Le soir tombe, l’armée anglaise est prête à s’effondrer quand survient l’armée prussienne mal poursuivie par les troupes de Grouchy qui n’a su marcher au canon.

C’est la panique, les Français refluent en désordre sur Genappe. La garde impériale meurt en protégeant la retraite ou plutôt la déroute. quatre jours plus tard ,le 22 juin Napoléon abdique pour la seconde et dernière fois.

Au congrès de Vienne 1814-1835 sous l’égide du chancelier autrichien Metternich, les empereurs et rois se partagent la carte de l’Europe. Il faut mettre fin aux idées pernicieuses de la Révolution, le pouvoir du peuple sur les monarchies diverses, le principe des nationalités. Alexandre Ier tsar de toutes les Russies, invente la Sainte Alliance. Tout roi détrôné doit être remis sur son trône par une coalition, l’on ne peut imposer une constitution libérale.

Deux principes vont animer cette partie du XIXe siècle, les idées libérales  Espagne, France et les idées légitimes, alliance du trône et de l’autel reposant sur un certain corporatisme où chacun doit rester à sa place. Le libéralisme finira par triompher en 1830, prudemment, puis en 1848, totalement.

Revenons à la politique anglaise sur le continent, elle est simple, maintenir par un jeu d’alliances, un équilibre des nations européennes, s’allier à la plus faible pour contrer l’Allemagne, l’Autriche ou la Russie qui voudrait s’arroger une quelconque supériorité.

Vis à vis de la Russie, interdire son accès aux mers chaudes. L’ambition des tsars est de prendre Constantinople, débouché en Méditerranée où l’Angleterre contrôle Gibraltar (1704), Malte (1803) et Chypre, fin XIX ème siècle, sur la route de l’Égypte et des Indes, stopper son expansion dans le Caucase et surtout vers l’océan Indien par l’Iran et l’Afghanistan d’où des guerres perdues des deux nations dans ce pays du nord des Indes tout au long du XIXe siècle.

Vis à vis de l’Allemagne, maintenir un équilibre entre Prusse qui  domine les états du nord et l’Autriche proche de la Bavière, Wurtemberg et Bade; contrer les manoeuvres de l’Autriche comme pour la Russie, vis à vis de l’enfant malade de l’Europe, l’empire ottoman.

L’Italie partagée entre Bourbons et Habsbourg Autrichiens et qui ne trouvera son unité qu’en 1860-1867 et 1870  n’est pas une menace.

L’Espagne qui perd ses colonies 1810-1825 est exsangue et s’enferme dans des guerres civiles.

La France libérée des armées étrangères de 1818 a perdu ses forteresses du nord en 1815, ce qui lui restait de la Savoie , le pays aspire à la paix, à retrouver sa prospérité.

Les grecs en rébellion contre le pouvoir ottoman ne seront défendus par les puissances alliées que lorsque la répression (massacres de Chio) sera trop vive.

Ce sera la guerre d’Espagne de Chateaubriand, promenade militaire pour rétablir Ferdinand VII, prisonnier des libéraux, sur son trône. L’intervention maritime pour soulager la Grèce et surtout la prise d’Alger  le 5 juillet 1830 . Cette expédition mécontente l’Angleterre mais la révolution de 1830, les gages donnés par Louis Philippe, le refus de ce dernier à la naissance de la Belgique révoltée contre les Pays Bas d’ accepter du jeune royaume son second fils le duc de Nemours comme roi, permet d’éviter une confrontation.

La conquête de l’Algérie durera avec les révolutions kabyles jusqu’en 1857. Napoléon III, en avance sur son temps, prônait une nation arabe, autonome, c’était aller à l’encontre des mentalités européennes de l’époque, des colons s’appropriant le pays s’appuyant sur une élite , en particulier, juive. L’amendement Crémieux devait donner à ces derniers le titre de citoyens français.

En 1840, malgré les atermoiements de Louis Philippe,  une guerre voulue par Adolphe Thiers  faillit éclater entre les deux nations et ce malgré le retour des Cendres, Napoléon rendu par l’Angleterre repose auprès de la Seine aux Invalides. L’enjeu était le conflit Égypte- ottoman. Nous soutenions les premiers, les anglais les turcs; Louis Philippe renvoie Thiers le remplace par Guizot dont l’immobilisme allait provoquer la Révolution de 1848 ensanglantant l’Europe, arrachant aux monarchies une constitution plus ou moins libérale.

C’est dans les années 1840 que la jeune reine Victoria 1837-1901 vint en visite officielle à Paris reçue par le roi Louis Philippe et la reine Marie Amélie. Les désaccords entre les deux pays furent aplanis et la première entente cordiale scellée.

L’on doit cependant au génie de Napoléon III, prince président (1848-1851) puis Empereur des français (1852-1870) d’avoir fortifié et rendu pérenne cette entente. Songer que le neveu de Napoléon Ier , anglophile, soucieux de salubrité et d’hygiène publique, saint simonien qui avait beaucoup appris de la révolution industrielle anglaise allait tenter la même expérience en France. Il avait bien connu l’Angleterre où il devait terminer sa vie après l’échec de Sedan, il y repose toujours… Ce fut notre alliance au cours de la guerre de Crimée, l’Angleterre défendant ses intérêts commerciaux menacés par l’expansionnisme russe qui convoitait Istanbul et l’entrée des mers chaudes. La France, désireuse du maintien de ses droits en matière culturelle et religieuse et protectrice des minorités opprimées,le début de la campagne du Mexique avec l’Espagne mais les anglais se retirent après avoir obtenu satisfaction du remboursement de leur dette.

En 1860, lors de la seconde guerre de l’Opium, anglais et français prennent Pékin, détruisent le Palais d’été, deux siècles d’humiliation de la Chine qui ne manque pas à ce jour de nous le reprocher.

Pour autant en 1870, ni l’Italie où nous avions maintenu un corps expéditionnaire pour défendre les états du pape, ni l’Angleterre ne nous soutiennent. Après la défaite, l’empire allemand est proclamé à Versailles dans la galerie des glaces. Princes et rois acclament Guillaume Ier, roi de Prusse comme Empereur allemand.

En 1871 trois départements d’Alsace Lorraine nous sont enlevés. Ils animeront l’esprit de la revanche entretenue par un nationalisme qui nous paraît aujourd’hui outrancier soutenu par ces hussards noirs de la république que sont les instituteurs.

La république est proclamée le 4 septembre 1870 mais l’Assemblée issue de la guerre est en grande majorité royaliste. Pendant cinq ans, on pense la Restauration possible, les partis légitimistes et orléanistes s’étant réconciliés mais la personnalité du comte de Chambord, petit-fils de Charles X ne permettra pas l’évolution de la France vers une monarchie constitutionnelle…. 1875, l’amendement Wallon fonde la IIIe République.

Celle-ci est bien seule dans un environnement hostile. Sur le plan extérieur, la France est isolée, elle va le rester une vingtaine d’années. Seule République dans un environnement monarchique, elle représente tous les maux, instabilité politique, parlementarisme qui sape le pouvoir et n’autorise l’arbitrage, scandales financiers, corruption, misère de la population ouvrière qui s’ouvre au socialisme marxiste ou guesdiste, période d’essor économique ponctué de crises paroxystiques, recherche de nouveaux marchés qui amène au colonialisme voulu par la gauche.

N’appelle-on-pas Jules Ferry avec dérision le « Tonkinois ». Seule la monnaie demeure jusqu’en 1914 ferme permettant à la bourgeoisie le maintien de ses rentes.

La France amuse ou scandalise l’Europe mais Bismarck, le chancelier du Reich la maintient dans un isolement diplomatique favorisant cependant  son expansion coloniale ne serait-ce que pour agacer ou irriter l’Angleterre.

Mais l’Europe danse sur un volcan alimenté par l’affaire des Balkans, l’enfant malade du continent est l’empire ottoman qui se disloque et se morcelle.

Après l’Algérie, la France en compétition avec l’Italie lui ravit la Tunisie,1881. L’Italie en 1911 acquiert la Tripolitaine alors que l’Angleterre, maîtresse du Canal de Suez établit avec l’Egypte une alliance, sorte de protectorat qui lui permet de s’avancer vers le Soudan, mais c’est dans les Balkans que  l’agitation est au maximum, la Bulgarie et la Serbie sont proches des russes.

En 1878 au Traité de Berlin, Bismarck réconcilie l’Autriche Hongrie et la Russie, réconciliation de façade tant les antagonismes sont profonds, l’Autriche assure un protectorat sur la Bosnie Herzégovine avant de l’annexer peu avant 1914, prélude à la Grande Guerre suite à l’assassinat du grand duc héritier François Ferdinand.

La Russie se détache de l’alliance des trois empereurs. En proie à la guerre civile, aux manifestations de masse elle cherche à s’industrialiser, à développer ses transports. Ce vieux pays engoncé dans ses traditions, à peine sorti de la féodalité a besoin d’argent frais pour développer ses infrastructures.

Marianne se révèlera très généreuse, l’alliance se fera suite aux visites d’escadrons, aux fraternisations de marin, militaire puis diplomatique, elle sera enfin politique. Alexandre III pour qui la république est abjecte fait preuve de lucidité et ce sont les emprunts russes, de funeste mémoire, qui industrialise l’empire des glaces. Les visites se succèdent en 1893 l’alliance est établie, elle sera renforcée par la personnalité de Nicolas II qui arme la France et se portera à son secours en 1914.

L’Italie rejoint les empires centraux, c’est la triplice, elle nous en veut du fait de la Tunisie mais les intérêts italiens tant commerciaux que territoriaux sont en contradiction et en 1916 elle rentrera  en guerre à nos côtés.

Cette dernière décennie du XIXe siècle voit notre antagonisme avec Albion s’aggraver. C’est l’affaire de Fachoda et le corps expéditionnaire du capitaine Marchand doit se retirer du Soudan où une flottille britannique remontant le Nil s’apprête à l’attaquer.

Le coq gaulois est blessé par la rose. Les deux nations sont au bord de la guerre. Deux hommes vont empêcher le conflit. Le futur roi d’Angleterre Edouard VII (1901-1910) francophile et parisien et Delcassé, ministre des Affaires étrangères. Alors l’Angleterre sera à nos côtés contre l’Allemagne en cette orée du XXe siècle où l’affaire du Maroc risque d’entraîner un nouveau conflit. Le gouvernement du roi Edouard VII nous soutient lors de la conférence d’Algésiras et les sphères d’influence au Maroc sont partagées entre  l’Espagne et la France, cette dernière en 1911 avec Lyautey assurant son protectorat sur le royaume Chérifien.

En 1904, l’entente cordiale entre la France et l’Angleterre consacre les efforts des deux peuples et la diplomatie visent à ménager les conflits entre la Russie et la Grande Bretagne dont l’influence est partagée en Iran et le Turkistan russe séparé de l’Inde anglaise par les glacis de l’Afghanistan.

L’Angleterre voit d’un mauvais œil  le réarmement de l’Allemagne qui se dote d’une flotte de  guerre puissante, dont l’armée se renforce, c’est la course aux armements qui aboutit au conflit mondial de 1914. Guerre de mouvements puis guerre de tranchées laissent les deux pays vainqueurs mais exsangues, la France, particulièrement meurtrie dans sa chaire à la démographie déclinante, dont les zones industrielles Nord et Est ont été particulièrement touchées, doit faire face à une dette énorme et à des révoltes sporadiques.

Quant à l’Europe, deux crises économiques, des révolutions suite à l’émancipation des peuples et au triomphe du communisme en Russie maintiennent l’instabilité et favorisent le fascisme.

C’est que le Traité de Versailles porte en germe la seconde guerre mondiale. L’Allemagne a déposé les armes mais son territoire n’a pas été envahi. Elle se sent particulièrement humiliée, la revanche est en marche, la montée de l’hitlérisme en est la conséquence. L’Autriche Hongrie a implosé, c’est le principe des nationalités avec des exceptions, la Croatie est donnée à la Serbie ainsi que le Montenegro, pourtant notre allié. La Slovaquie partage les destins de la Tchéquie. La Pologne renaît après un siècle et demi de despotisme. La Finlande intégrée à la Russie en 1809  recouvre sa liberté ainsi que les provinces baltes.

Devant ce morcellement, l’Angleterre se confine dans son isolement ne soutenant pas son ancien allié qui va occuper la Rurh et la Belgique pour non paiement de la dette de l’Allemagne. En 1935, lors de la réinstallation de l’armée d’Hitler sur la rive gauche du Rhin, les alliés protesteront mais ne feront rien.

Vingt ans, une génération sépare les deux conflits. La Der des Der ainsi appelle-t-on la première guerre mondiale, ne laisse qu’amertume, regrets et des peuples désabusés qui ont dû faire face aussi à la spéculation venue d’outre Atlantique, à la grande crise financière économique de 1929 qui impose aux États Unis sous Roosevelt, un new deal et qui arrive en France en 1932 et jette l’Allemagne dans les bras d’Hitler. Mussolini qui s’est emparé en Italie du pouvoir en 1922, alliée de la France et de l’Angleterre s’aliène ces deux nations lors de la guerre d’Éthiopie. La S.D.N., ancêtre de l’O.N.U. Condamne l’agression de l’Italie depuis l’Érythrée, sur le seul pays africain qui n’a jamais été colonisé. Alors l’Italie se rapproche de l’Allemagne et avec le Japon qui après la Corée, la Mandchourie convoitait la Chine en proie à la guerre civile forme l’axe Berlin-Rome-Tokyo.

La seconde guerre mondiale s’apprête 1939-1945. La France envahie n’aura plus droit au chapitre des grandes puissances…

Roosevelt se méfie de de Gaulle, Churchill soutient ce dernier contre Staline et le 7 mai 1945 à Reims puis le 8 mai à Berlin, la France signera l’armistice.

Nous arrivons à l’époque contemporaine, celle de la décolonisation réussie en Angleterre où le Commonwealth maintient des liens économiques, commerciaux et culturels, plus ardue en France

1945-1962 où le centralisme jacobin vis à vis des peuples aux langues et cultures différentes et minorées sera l’objet de conflits.

Quelques hommes vont créer l’Europe. Les français Jean Monnet et Robert Schuman, l’italien Alcide de Gasperi, l’allemand Konrad Adenauer. Communauté économique de la CECA puis du Marché Commun Traité de Rome en 1956. L a dynamique du couple Franco Allemand malgré de nombreuses vicissitudes en sera le moteur.

L’Angleterre se méfie de cette entité à visée politique, elle préfère le libre échange, la diminution des barrières douanières et l’instaure avec sept états qui enserrent les six du Marché Commun; c’est un échec. Mac Millan, le Premier ministre conservateur s’en approche mais De Gaulle (1959-1969) s’y oppose, car le Royaume Uni est partagé entre un continent et le grand large, son amitié séculaire , depuis 1815, avec les Etats Unis, l’hégémonie de sa langue. Il l’intègre  cependant en 1972 mais demeure rétif à la P.A.C. et n’a pas accepté l’union monétaire : l’euro.

Aujourd’hui l’Europe est en construction, la multiplicité des langues, l’inconscient collectif, l’histoire, le communautarisme ou l’intégration, le choc des religions, des civilisations, l’impact démographique sont des enjeux d’actualité. La Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil, l’Afrique du Sud même ont une croissance qu’on leur envie. Mais l’Europe ne saurait exister sans le Royaume Uni. Celui-ci n’est plus une île depuis l’euro tunnel . Arrimé au continent, l’amitié Franco Britannique traverse les ruptures et les malentendus.