L’antre d’une artiste

L’antre d’une Artiste, chez Madeleine.

par

Robert Mosnier . .(21ème fauteuil)

            Un ciel d’azur, un sol de galets disjoints dans cette cour d’un hôtel particulier de Toulouse, une porte où l’on accède par deux marches et nous découvrons l’antre de Madeleine Tézenas du Montcel, sculpteur.

La vue se fige, un vaste corridor nous précède, des personnages de tout acabit nous contemplent, bustes hiératiques ou moqueurs, regards étonnés devant notre invasion, expressions du vivant qui déconcertent au premier abord puis nous accueillent.

Des toiles ou des dessins parsèment les murs et une tenture de Marc Saint-Saens arabesques ou vagues ondulées inscrit la morale des lieux, tout est mouvement en profondeur dans une indicible douceur.

Ce n’est pas sans réserve ni timidité que l’on approche tant de merveilles qui bousculent nos représentations, vont à l’essentiel, un trait de caractère, une émotion révélée.

L’odyssée de l’Aéropostale présente ces héros de la conquête de l’espace à la recherche d’un absolu où le tragique libère l’imaginaire, se poursuit jusqu’à André Turcat, mythique pilote du Concorde ou d’un rêve inachevé jusqu’à Thomas Pesquet qui nous familiarise avec le Cosmos.

Des chevaux aux naseaux frémissants, des groupes d’inspiration diverses traversent cette multitude où l’écho se propage et le souffle se répand.

L’histoire côtoie le quotidien où dans cette esquisse un de Gaulle sans sa superbe partage sa tendresse avec sa fille Anne, le Pape Jean-Paul II, non sans malice sur un socle incliné, bénit la collégiale de Compiègne, un Jacques d’Aragon, depuis le port de Lattes scrute son royaume de Majorque.

Sur les consoles, le moindre recoin, la vie abonde, des esquisses apparaissent, projets inavoués ou interrompus, écartés pour un temps mais non abandonnés, le seul intérêt de Madeleine est de nous les rendre accessibles et cela aux yeux de tous.

La conscience parfois s’embrouille, le foisonnement est tel qu’il nous faut un havre de repos.

Alors apparaissent ces zones d’intimité où le corps se détend, se love dans un fauteuil pudiquement appelé berceau sous les frondaisons d’une glycine qui délivre, la fenêtre entrouverte, son délicieux parfum.

Tout est attache, souvenir parfois douloureux mais dont l’espérance transcende la mémoire et s’accomplit dans la paix recouvrée.

Madeleine n’est pas seule, elle donne et partage la vie de ces êtres qu’elle prolonge, renvoie au vivant ce qui était mort ou masqué, métamorphose d’un instant en vue d’une éternité.

L’ancien et le contemporain à l’instar de Saint-Ex se contemplent, s’allient dans cet esprit d’unité où il n’y a nul artifice, ni compromis, l’apparence n’est que besoin de réparation, elle n’en a cure.

Il est difficile de se détacher de cette empreinte dont le reflet se propage tant l’intime est force de présence.

Ombres et lumières, outrages et ravissements, force de conviction traversent l’œuvre et la vie de Madeleine, donnent à son art cette transcendance qu’elle sait nous faire découvrir.

Robert Mosnier . Académicien . 21ème fauteuil