25-10-08 Iren Mihaylova

ACADEMIE DU LANGUEDOC

Séance solennelle du 8 octobre 2025
Conseil régional d’OCCITANIE

Prix Maurice Magre décerné à Iren MIHAYLOVA
pour

« Depuis ma chère disparition »

Présentation par Maryse CARRIER (52e fauteuil) 

Monsieur le représentant de Mme la Présidente du Conseil Régional, Monsieur le Secrétaire perpétuel et Monsieur le Président de l’Académie du Languedoc, Mesdames et Messieurs les Académiciens et Membres associés, Mesdames et Messieurs, chers amis.

En préambule je tiens à attirer votre attention sur le fait que nous accueillons  aujourd’hui une personnalité hors du commun : Iren Mihaylova est en effet poétesse (comme sa mère), mais aussi romancière, peintre, illustratrice, pianiste reconnue, psychologue clinicienne, psychanalyste, traductrice et éditrice bulgare car elle est née à Sofia dans une famille d’intellectuels, bulgare et orthodoxe ! Ajoutons qu’elle publie textes et poèmes dans des revues littéraires anglaises, bulgares, allemandes et françaises !

Durant toute son enfance, source d’indéfectible nostalgie, elle fut fascinée par le métier artistique et artisanal de sa grand-mère, tisseuse de ces tapis tissés par les villageoises dans une ambiance immersive musicale, certaines mélodies étant d’ailleurs reprises un jour par le compositeur et pianiste Bela Bartok.

Et plus tard l’aspect sombre et lumineux de compositeurs romantiques, Schuman, Grieg, et la musique de Liszt qui élève « l’éphémère au niveau de la sublimation », constitueront pour elle un héritage précieux, de même d’ailleurs que la connaissance éclectique de grands écrivains tels que Dostoiesky, TolstoÏ, Nietzsche ou Proust, Nerval et Robert Desnos entre autres… 

C’est dire à quel point vous avez été nourrie à l’école des arts, de tous les arts, enrichis à l’âge adulte par vos nombreux séjours à l’étranger : Angleterre, France, Autriche, Espagne, Italie sans toutefois renier votre ancrage occitan, aveyronnais même et plus précisément naucellois par votre père.                     

 Et le recueil de poésie dont il est question aujourd’hui, d’un très haut niveau d’érudition et d’exigence, intitulé « Depuis ma chère disparition », a  été conçu récemment en Occitanie.

Nous savons qu’Iren à présent se consacre quasi-entièrement à sa carrière artistique avec toujours comme fondement « l’exploration de son vécu », sans cesse éclairé par ses recherches en tant que… psychologue clinicienne et psychanalyste.

N’oublions pas qu’Iren n’est pas née en France. Comme tous les « orphelins du monde », elle a dû affronter les tourments de l’exil, ce qui fournit la clé de sa décision en 2019 d’engager un travail autour de « l’écriture du deuil », et de s’inscrire en tant qu’artiste et écrivaine « dans la recherche de et dans l’intériorité ».

Tous ses poèmes dans un style particulièrement épuré explorent en effet ce thème du deuil et de  la recherche de l’essentiel en profondeur, de tout ce qui était silence, « Le cri devenant silence lorsqu’on arrive à sublimer la douleur » dit-elle.

Cette problématique complexe n’est-elle pas déjà révélée par les titres énigmatiques des textes poétiques de son recueil, tels que par ex. : « Nageur galaxique », «Mathématique de l’âme», «Déroute d’ombrier», « Rêve ana­graphe », « Remémoration de l’arabesque » … ?

Le propos est toujours intime : écrire, c’est vouloir renaître « dans l’ombre du soleil noir » retenue dans la prison du « luth constellé », Iren chantant depuis sa cellule l’image du temps à retrouver pour sortir « de la nuit des temples oubliés ». Mais par quel chemin, le risque étant « la perdition de (ses) repères » ? Or « A partir des profondeurs de la nuit est une lanterne vers son âme » qu’il faudra « métamorphoser en ombre – brillée », car « puiser dans sa mémoire, c’est extraire les ombres pour aller vers la lumière », précise-t-elle.

La tension se fera vive « entre un ici qu’il faut quitter et un ailleurs où l’on va se perdre », tension dont l’origine se trouve dans la disparition, que le titre annonçait, « Ma chère disparition » : Cette présence disparue, qui obligea « à partir sans jamais retourner/ car ce pays incertain n’a rien de nouveau à nous offrir », aboutira au choix du « retour chez soi ». Et même si « Loin est le chemin, plus qu’une trainée de lumière »… « dans cette tiède mélancolie qui éclaire le front natal, de ce pays/ qui n’est plus le mien – Je suis toujours des vôtres – », avide d’ « esquisser mon horizon natal », notez-vous avant le mot « Fin » !

Chère Iren, l’Académie du Languedoc est heureuse de vous remettre le Prix Maurice Magre, écrivain, poète et dramaturge toulousain décédé en 1941, ardent défenseur de l’Occitanie, grand spécialiste de l’histoire des Cathares.

Et je précise que ce prix réjouit infiniment votre éditrice, Mme Florence Issac, des Editions « L’échappée belle » de Pau, éditrice présente aujourd’hui dans cette magnifique salle du Conseil Régional !