Prix Ernest ROSCHACH attribué à André ORTET
Présentation par Claude RUDELLE (16ème fauteuil)
Monsieur le Maire
Monsieur le Secrétaire Perpétuel
Monsieur le Président
Mesdames Messieurs mes chers collègues
Je dois maintenant vous présenter le récipiendaire du prix du livre régional Ernest Roschach.
Son ouvrage s’intitule »Camemberts et tradition fromagère d’Ariège ».
Le fromage, comme chacun sait, est en bonne place dans la caricature internationale du français : le béret, la baguette de pain, le litre de vin et LE CAMEMBERT ! Éventuellement le drapeau tricolore
Monsieur André ORTET est Ariégeois, né dans le Couserans à Cazavet c’est donc un pur languedocien.
Sa profession de cadre infirmier en psychiatrie lui a déjà fait commettre un ouvrage passionnant sur l’hôpital psychiatrique de SaintLizier, nous rappelant comment étaient traités ceux que l’on appelait alors des aliénés.
Monsieur Ortet est aussi un collectionneur. Entre autres il est un TYROSEMIOPHILE c’est à dire un collectionneur d’étiquettes de fromage !
Il a amassé ainsi une collection impressionnantes d’étiquettes rondes de boites de camembert qui nous dévoilent les noms de ces produits et de leurs fabriques, les uns et les autres tombés aujourd’hui dans l’oubli. Elles sont toutes décorées d’images superbes de scènes champêtres et du bestiaire pyrénéen, l’ours, l’isard sans oublier la vache bien sur.
Etelles affichent toutes la mention « camembert d’Ariège « !
Monsieur Ortet nous livre ici une recherche exhaustive et impressionnante sur l’histoire de ce fromage maintenant perdu, sur celle de l’industrie laitière qui a fait longtemps la richesse du piémont pyrénéen ;sans oublier le recensement de toutes les entreprises qui concouraient à la fabrication, au conditionnement et à la commercialisation de ce produit …
Ceux qui connaissent la gastronomie ariégeoise citeront entre autres le fromage de Bethmale, le Moulis, la Toudeille ou les nombreuses chèvres des petits producteurs. Mais plus personne ne connaît ni ne peut déguster aujourd’hui le camembert ariégeois. Et ce malgré un essai timide de reprise de sa production en 2019, essai abandonné au bout de deux ans peut être à cause de la pandémie.
Pourtant la fabrication ariégeoise et la commercialisation de ce fromage au nom mondialement connu a été très importante de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 60.
Diverses circonstances ont donné un coup d’arrêt à cette industrie laitière du Couseranset de la haute Ariège.
L’élevage bovin a toujours été important dans les vallées herbues du piémont ou dans les alpages. Chaque petite exploitation agricole avait ses ou sa vache, autant pour le trait que pour le lait. Une production laitière abondante dont la conservation, beurre ou fromage était obligatoire. Cette transformation était très artisanale ou familiale, en particulier en haute montagne dans les villages d’estives.
Dans la deuxième moitié du XIXème siècle l’essor industriel amène certains aristocrates cultivés à reconsidérer la mise en valeur de leur patrimoine. Le hasard fait le reste. C’est ainsi qu’un comte breton venu exploiter comme ingénieur une mine de fer du domaine pyrénéen de sa famille, prend conscience de la production importante de lait. Connaissant l’industrialisation normande de la recette de la mère Hurel à Camembert il décide de copier cette fabrication.L’appellation camembert est libre il va donc produire le camembert de l’Ariège.
C’est la naissance de la fromagerie d’Oust et du« camembert de l’ours «. De nombreuse fruitières se mettent à produire du camembert, sous diverses appellations mais toujours sous l’intitulé « camembert de l’Ariège«. Le produit se vend bien, il s’exporte même et surtout dans les départements français d’Afrique du Nord.
La guerre d’Algérie met fin à ces exportations. Dans le même temps l’industrie laitière évolue, se centralise de plus en plus, des coopératives naissent et grandissent tout en s’éloignant des zones de production. La laiterie toulousaine, l’union laitière coopérative, puis la laiterie de Rieucros… Mais la production laitière pyrénéenne est en chute libre du fait de la mécanisation de la traction et de la disparition de nombre d’agriculteurs au profit de la ville.
Les industriels du lait vont favoriser les usines plus performantes d’autres départements qui fabriquent entre autres du camembert.
La laiterie de Rieucros arrête la fabrication en 1973 c’est la fin du camembert d’Ariège.
Monsieur ORTET, votre ouvrage mérite certainement la récompense de notre Académie. Vous avez eu à cœur de rappeler à nos contemporains l’extraordinaire travail de nos ancêtres, dont il ne reste souvent aujourd’hui que ce que l’on appelle des friches industrielles. Merci pour eux, merci pour nous de les avoir fait revivre.
Capitole, Salle des Illustres, le 24 novembre 2022