Prix André GASTOU 2022

Prix André GASTOU attribué à
Nathalie VINCENT-ARNAUD

pour le recueil « Clé d’Août »

Présentation par Maryse CARRIER (52ème fauteuil)

Monsieur le Maire, Monsieur le Secrétaire perpétuel et Monsieur le Président de l’Académie du Languedoc, Mesdames et Messieurs les Académiciens, Mesdames et Messieurs, chers amis…

Nathalie Vincent-Arnaud est née à Toulouse et a grandi à Cahors. Après de brillantes études littéraires à Toulouse et à Montpellier, elle devient enseignant-chercheur, professeur à l’Université Toulouse-Jean Jaurès, au Département d’Études du Monde Anglophone. Ses domaines de spécialité sont la stylistique, ainsi que les relations entre littérature, musique et danse classique. Elle a également une activité de traductrice, principalement de sciences humaines et de poésie.

Car l’écriture poétique est visiblement essentielle pour elle – et son talent a d’ailleurs été maintes fois honoré : c’est ainsi que –  entre autres –  la Société des Poètes français, la Société des Auteurs et Poètes de la Francophonie, le Printemps des poètes, l’Association parisienne Astrée, les Arts littéraires et récemment les Jeux Floraux ont attribué plusieurs prix à sa poésie ; poésie exigeante, complexe, non académique, d’une écriture extrêmement travaillée et qui surtout rend au plus juste ce que Nathalie décrit elle-même comme « fulgurance des émotions  qui l’envahissent  depuis son adolescence ».

              Mais c’est son recueil « Clés d’août » qui est aujourd’hui l’objet de toute notre attention, le titre « Clés d’Août » suscitant déjà notre curiosité, les « clés » permettant peut-être de « pénétrer un secret, un mystère », le mois d’août quant à lui, étant, dit-elle : « l’espace ambivalent de pleine lumière et de résurgences d’ombres…».

             C’est dire qu’il ne s’agit ici en aucun cas d’un univers totalement lumineux, serein, mais plutôt de « l’expression profonde d’une mélancolie…», tout ceci sous l’influence diffuse de nos grands romantiques français mais aussi allemands (car notre poète est également germaniste !), ou encore sous l’influence de T.S. Eliot, Wilfred Owen et Allen Ginsberg.

               Et cette mélancolie, qui accompagne l’ensemble de son recueil, surgit dès le poème d’ouverture, où « le soleil noir appelle/enlace sans détours images et visages », ce qui évoque « le Soleil noir de la Mélancolie » de Gérard de Nerval

              Ce soleil peut être aussi « …écartelé » ou même « délavé »,  références – toute en retenue – à plusieurs disparitions dramatiques au sein de son entourage familial, la poésie de Nathalie étant une poésie de la pudeur, de l’implicite, des mémoires : « Terres brûlées/… D’une flamme arrachée/ Aux ruines de l’absence/… Heures livrées/ Aux souvenirs d’ivresses/ Pleurs taris/Vient la nuit ».

              Même l’enfance, thème ô combien important, est à ses yeux une époque d’inquiétude : Nathalie n’évoque-t-elle pas  « …les orages lourds/ des forêts de l’enfance » ?

                Mais sa poésie est également celle des arrêts sur des figures individuelles, Zelda Fitzgerald par exemple et sa triste fin au bord du lac Léman ; après le décès de David Bowie, le poète écrit : « …seule, seule la musique se tait ».

              Arrêts en outre sur des évènements collectifs : en 2016, les attentats à Berlin et ceux de Nice la bouleversent : « Sur les pavés/La rage/D’un azur qui s’acharne/Uni au sang des fleurs ». 

Car une extrême sensibilité et toutes « ces émotions qui envahissent » le poète sont source inépuisable d’une généreuse empathie que je dirai universelle.

                    Ce que sa poésie nous offre encore, ce sont des impressions instantanées, sur un paysage ou sur une musique : « le Clair de lune » de Debussy lui inspire de magnifiques vers sur « Les éphémères/Parfums de mélopées »…

                      Précisons que tout n’est pas désespérance chez notre poète qui joue par exemple avec le langage, en créant des néologismes, tel ce titre inopiné, « Pianomadisme », pour un poème composé sur la « Fantaisie-impromptu » de Frédéric Chopin.

             Sous l’influence de Baudelaire, l’un de ses poètes de prédilection, de nombreux  oxymores sont introduits malicieusement dans la composition de plusieurs poèmes, tels que « …mélodies inertes », « …un cœur sans unisson », « Des sirènes noyées »…

             Et le poème intitulé « Un siècle » éclaire bien une certaine forme d’espérance : « Un siècle passera sur cette mer sereine/ Nous n’aurons plus au cœur ni l’amour ni la haine/… Rien qu’un sourire aux lèvres »

              Je voudrais terminer en évoquant la seule illustration de son recueil avec un tableau de son grand-père, qui figure un promeneur solitaire, de dos, s’avançant vers d’autres horizons. Ce voyageur est peut-être comme chez le peintre romantique allemand Friedrich, une métaphore de l’avenir inconnu.

Ajoutons que dans l’imaginaire de notre germaniste Nathalie le troublant « Voyage d’hiver » du poète Wilhelm Müller, l’ombre inquiétante du « Erlkönig » (le Roi des aulnes) de Goethe, deux poèmes mis en musique par Schubert, de même que l’homme à la double identité, le fameux « Doppelgänger » de Schumann, ne sont jamais très loin…

Je dirai donc que ces « Clés d’août » n’ont sans doute pas livré tout leur mystère, ce qui accroît leur pouvoir de fascination.

           Chère Nathalie, l’Académie du Languedoc est heureuse de vous offrir le Prix de Poésie André Gastou pour « Clés d’août », remarquable recueil de poésie !

Capitole, Salle des Illustres, le 24 novembre 2022