Laurent MACE prix Pierre GOUDOULI

Présentation de Laurent MACE
Prix Pierre GOUDOULI de l’Académie du Languedoc

pour son livre « Petite histoire des Troubadours »

Présentation par Louis GALTIE 17ème fauteuil
(11 mars 2023) 

Mesdames, Messieurs, Chers amis, Monsieur le Professeur Laurent Macé,

     Nous sommes de nombreux enseignants qui avons quitté nos provinces méridionales pour « monter » exercer au nord de la Loire.  Cette frontière devenue mythique nous l’avons franchie 2 fois avec mon épouse et l’accueil que nous y avons reçu, auprès de Bernard de Clairvaux puis plus tard du Côté de chez Swann, a été formidable au-delà de toutes nos attentes. Vous avez accompli le chemin inverse ; de Lisieux, capitale des bocages du Pays d’Auge où vous êtes né, vous avez laissé les trouvères et les trouveresses pour « descendre » au pays des troubadours.

Après une hypokhâgne, l’agrégation d’Histoire en 1991, vous soutenez une thèse de doctorat « Les Comtes de Toulouse et leur entourage (1112,1229) sous la direction de Pierre Bonnassie. Ensuite, en 1998, vous devenez naturellement maître de conférences puis Professeur d’Histoire médiévale à l’Université Jean Jaurès. Vous êtes actuellement le spécialiste reconnu des Comtes de Toulouse et de façon plus élargie spécialiste de l’Héraldique et des Sceaux.

Il m’est impossible, dans le temps imparti, de citer toutes vos publications et toutes vos distinctions tant elles sont nombreuses et remarquables. Cependant je ne peux omettre votre qualité de membre de l’éminente Société Archéologique du Midi de la France.

   En ce début 2023 vous nous offrez une Petite histoire des Troubadours parue aux éditions CAIRN dans la collection « Petite Histoire «  dirigée par Jean François Soulet.

     Tous ici nous avons gravi une fois ou l’autre le grand escalier du Capitole, et nous nous sommes demandé ce que représentait la grande fresque de Jean Paul Laurens qui le domine. Une fête, des fleurs, une estrade ??? C’est le rappel  des  Sept Docteurs du Gai Savoir qui  ont établi à Toulouse les Jeux Floraux et  qui, le 3 mai 1324, attribuent leur grand prix, la Violette d’or, à Arnaud Vidal troubadour de Castelnaudary  premier de leurs lauréats. Cela fait alors 2 siècles que s’est développé en langue romane d’oc l’art du « trouvar » écrit et chanté.

     A Toulouse on est à moitié gascon, il suffit de passer le pont …Et on se laisserait aller à penser qu’on en sait beaucoup sur les troubadours, voire même qu’on en connait tout. Votre ouvrage est là pour nous faire approfondir la question. C’est un travail universitaire, une somme drue et très riche de personnages et d’aventures. Cependant le choix d’un format manuel, d’un récit très structuré, d’un glossaire bienvenu et même plusieurs propositions de sites « troubadouriens », en offrent une lecture féconde et prenante.

     Je vais laisser à chacun le plaisir de se régaler pendant la découverte de votre ouvrage. Je vais seulement, à titre de lecteur séduit et ébloui, vous dire quelques-unes de mes redécouvertes. Ces personnages de légende vous les tirez de leurs enluminures, de leurs tapisseries ; vous les montrez courant les châteaux, les pèlerinages, les champs de batailles.

     Deux grandes figures princières s’imposent dans ce monde puissant de la haute aristocratie et du haut clergé en ce temps ponctué par les Croisades de Terre Sainte, la Croisade des Albigeois : Guillaume IX duc d’Aquitaine et lui-même troubadour ainsi que la célèbre Aliénor véritable égérie de ces brillantes époques. Avec eux quelques noms Bernart de Ventadour, Chrétien de Troyes, le terrible Bertran de Born (cité dans l’Enfer de Dante) ; ils peaufinent tous un grand art. Arnaut Daniel peut écrire : « Sur cet air plaisant et léger, je mets des vers et je les rabote et les aplanis. Pour qu’ils soient bien ajustés, il ne me reste plus qu’à les passer à la lime. L’Amour, d’une main empressée, vient polir et dorer mon chant.. ; »  

Par ailleurs ce roman courtois qui se maintient au niveau intellectuel de ces hauts personnages est-il aussi « décharné » qu’on ne l’imaginerait ? N’y a-t-il que des virelais ?? Non pas !! il y a aussi de la ritournelle, de la bagatelle, et souvent de la gaillardise ; Ce sont surtout, dans ce dernier cas, les Jongleurs, forme plus populo des troubadours qui se laissent aller.

Un mot si vous le permettez d’un prénom à la mode dans ce lointain Moyen Age : Uc (apparenté à Hugues). C’était celui de Uc de Saint Circ né à Thégra près de Rocamadour. Il fut talentueux, partit en Italie, écrivit un dictionnaire de langue d’Oc. Monsieur le professeur Bonnassie, aujourd’hui disparu était du coin, né à Rignac en haut Quercy.

Finalement c’est la grande Peste qui mettra fin à cette Odyssée de plusieurs siècles extrêmement éclairés, très éloignés de l’image qui perdure de ces temps dits obscurs. Elle ne les éteindra pas totalement et l’esprit des troubadours suscitera de nombreux héritiers.

 Avec votre indulgence j’en citerai 3 :

–Pierre Godolin ou plutôt Peyre Goudouli (1580-1649) figure chère à tous les toulousains et « inratable » pour les touristes photographes ; Il a composé le fameux « Ramelet Moundi », ce bouquet pour la dynastie de nos comtes Raymonds. Cher Monsieur Macé vous en devenez le filleul aujourd’hui.

–Nadau qui a créé un mouvement nouveau pour la langue d’oc et dont la chanson l’Encantada est toute imprégnée d’amour courtois.

–Gaston Phebus comte de Foix (1331-1391) qui nous a légué notre hymne intime Se Canto qui, à l’encontre de bien d’autres, ne déroge pas à l’Amour.

Merci encore pour votre ouvrage qui est donc une mine et une référence. Toutes mes félicitations.  « Petite histoire des Troubadours » est publié aux éditions CAIRN dans la collection « Petite Histoire.