L’art d’être grands-parents
par Robert MOSNIER
Parcourir un temps long avec deux petits enfants âgés de neuf et cinq ans est un défi permanent aux lois de la pesanteur, descente des escaliers sur trois étages sur le postérieur, impératif de rappels, voix éraillées, oublis permanents imposant efforts salutaires de mémoire.
C’est une vigilance de chaque instant, une surveillance laissant place à l’initiative, un contrôle bienveillant des leçons et devoirs, un espace de jeux où l’imaginaire s’enrichit de la réflexion, une temporalité stricte : horaires réglés au métronome.
Ajoutez à cela des transports multiples où en voiture le slalom est de rigueur, les vélos avec ou sans cabine se déplacent dans tous les sens même interdits et des piétons sur des trottoirs étroits encombrés de poussettes.
La communication est singulière, la transparence et l’absence de retenue donnent une saveur particulière aux échanges, nos repères d’antan sont bousculés et l’on passe pour des dinosaures , nos affirmations sur la vie d’autrefois leur paraissent exagérées proches de la galéjade.
Il n’y avait ni mobile ni ordinateur, un seul programme à la télé. Comment croire de telles inepties ?
La tenue à table, les coudes éloignés du corps, les jambes pendantes ou repliées sur la chaise nécessitent des remarques sans bouderie mais répétées. Ils sont très gentils, veulent aider ou faire par eux-mêmes bien plus adroits et avertis que nous l’étions enfant.
Ils sont exposés très jeunes à l’instabilité de leur environnement à une certaine obligation de réussite. Que devient le temps de l’innocence?
Le romantisme survit malgré un climat de violence, les mangas ou bandes dessinées de super-héros inscrivent des fixations où le réel côtoie l’imaginaire. Les images très mobiles traduisent leur appétence et leur déception à ne pouvoir tout saisir en l’instant, conférant à l’immédiateté sa prééminence.
Les questions sociétales dont nos Parents nous préservaient abondent. Certes,la petite fille ne nait pas dans les roses, son frère dans les choux, mais souvent par piqûre. L’amour de deux êtres, leur désir d’enfant peut se résoudre de différentes manières, surtout si le masculin ,complice d’agression est à redouter.
Une Maman célibataire, par conviction, a eu trois petites filles épanouies ,bien élevées, un Mari ou un Compagnon est il indispensable ?
Epineuse question et renvoi à la position de ma petite fille vis à vis de son Père et du manque d’identification dans de telles situations!
La pauvreté partout présente est utilisée en terme de pitié et de culpabilité et non de dignité, témoins privilégiés, les enfants se doivent d’y remédier par des sacrifices imposés, oublieux du don de gratuité.
Les contes d’antan les ravissent, tout autant que le fantastique ou le magique qui altèrent la réalité.
Dans ce Monde du numérique où tout se vaut et s’efface, le relativisme triomphe, autrui n’est pas adversaire ou complice selon les circonstances mais un être original auquel s’applique la bienveillance sans naïveté certes mais avec confiance.
L’éducation se doit de respecter les âges, le degré de maturation de chaque enfant.
Nous tentons comme grands-parents d’apporter le sens de la durée, de la continuité propre à l’histoire, du respect des différences, mais aussi d’une dimension de l’invisible qui rapproche de l’absolu, éloigne de tout dogmatisme.
Robert Mosnier