Fraternité

Fraternité

par Robert MOSNIER (21ème fauteuil)

Dans le triptyque qui marque nos édifices publics en France, un seul est d’inspiration chrétienne « Fraternité » les deux autres non exempts de controverses relèvent de principes philosophiques et animent des idées politiques.

            La fraternité renvoie l’universalité et l’unité de la condition humaine, elle incarne une même identité, fait fi des différences, contradictions, dépasse l’antagonisme culturel, les oppositions tout autant que les craintes, les haines inassouvies, les violences répétées, les espaces et les temps confisqués.

            Elle exprime l’être en humanité, notre origine commune qui dépasse nos trahisons, surmonte nos faiblesses, efface nos égoïsmes et cette volonté omnipotente de dominance.

            Liberté et égalité préfigurent les lois, les codes, régissent nos modes de vie en société, exposent nos contradictions, selon nos points de vue amples ou réducteurs, mondes en mouvement qui renvoient à un aspect fini, bonheur hypothétique appuyé sur la notion relative du progrès, la fraternité c’est l’outrance du don, l’amour inconditionnel.

            Fraternité est un combat pour l’action, ne tolère aucune mesure et frôle la démesure, côtoie l’infini, déroule une dysrégulation, n’a d’autre frontière que le pardon et d’idéal que l’espérance.

            Elle irrite car elle détruit nos schémas de vie, transgresse la raison, oublie nos constructions durement élaborées et malmène toute vérité. Elle est aussi obligation de dépasser nos chocs culturels, notre volonté d’instituer un parcours où l’on tend à influencer l’autre comme détenteur d’expérience et de vérité.

            Nos esprits, qui se veulent ordonnés et rationnels, ont besoin de repères, d’assurances, de bienveillance, de contrôles et de remerciements. L’éducation s’y prête, l’intention est alors manifeste et répugne à la gratuité.

            Fraternité en cas de non-retour paraît une utopie ou du moins un chemin si long et aventureux que l’on n’ose s’y engager, elle est une position où le moi s’efface au profit d’une abstraction.

            C’est l’idéal de la passion, s’abandonner à la transcendance, au-delà du cadre protecteur de nos lois ou de la culpabilité émotionnelle que l’on institue.

            Pour autant l’histoire s’accélère, les frontières explosent, les comportements violents expriment ce mal-être du renoncement mais surgissent de partout des mouvements de miséricorde, de désintéressement, d’intérêt pour un prochain qui n’est plus si lointain, un exotisme qui nous pénètre et nous influence par sa proximité.

            Laissons mûrir ce qui est semé !