Conférence Georges GUIRAUD par Jean-François GOURDOU

Grande Réunion de retrouvailles de fin de covid le vendredi 11 juin 2021 à 12 h
 Salle des capitouls de l’hôtel Mercure Saint-Georges Toulouse
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Conférence sur Georges Guiraud,  grand prix de Rome de sculpture (1901 1989)
Cofondateur de l’Académie du Languedoc en 1964.

Par le docteur Jean François GOURDOU, secrétaire perpétuel.
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Chères consœurs, chers confrères, j’ai l’honneur et le plaisir de vous présenter un résumé de la biographie  et du catalogue raisonné de notre ancien confrère Georges Guiraud avec un diaporama de ses œuvres.

J’ai pu retrouver sa biographie grâce à des archives personnelles, celles aussi de cartons d’un cousin toulousain et encore bien sûr par Internet et quelques livres d’art.

Georges Jean-Joseph Guiraud fut un grand peintre, médailler et sculpteur français, Grand prix de Rome en 1926,  cofondateur de l’Académie du Languedoc en 1964 et à l’origine du prix de sculpture de l’Académie du Languedoc qui depuis porte son nom.

Georges Guiraud est né en 1901 au sud de Toulouse dans la commune du Cabanial,  près de Caraman, au domaine de Gouyres, situé sur une colline du Lauragais donnant au printemps une magnifique vue sur les blanches Pyrénées.

Ce château du 17ème siècle aux pigeonniers pointus est dans notre famille depuis longtemps, Georges Guiraud était le cousin de mon père le Docteur Joseph Gourdou. Ils étaient très amis et il venait le voir à chacune de ses visites à Toulouse. A l’âge de 12 ans j’avais sculpté une vierge en pierre, la voyant, lors d’une de ses visites, il me dit que j’avais la vocation de sculpteur comme lui, mais je devins médecin comme mon père, toutefois il fut exaucé car je devins chirurgien, signifiant en grec ancien le travail de la main comme lui !

Très tôt Georges Guiraud fut tourné vers les arts, un peu par atavisme familial car son père officier de l’instruction publique était professeur au lycée de Toulouse et aussi peintre enlumineur.

Aussi Georges Guiraud après ses études toulousaines au lycée Fermat puis à l’école des Beaux-Arts de Toulouse voulut « monter » à Paris pour se perfectionner dans l’école des Beaux-Arts de Paris où il fut l’élève de l’atelier du célèbre sculpteur Jean Boucher. Une ancienne photographie le montre dans l’atelier de son maitre aux Beaux-Arts de Paris.

Plusieurs photographies montrent Georges Guiraud à plusieurs étapes de sa vie.

Dès lors il collectionna les prix : en 1923 deuxième prix de gravure en médailles puis en mai 1926 le premier Grand prix.Il exposa aussi au Salon des artistes français à Paris où il obtint la médaille de bronze en 1924 puis la médaille d’or en 1930.

Le Grand Prix de Rome fut créé en 1666 par le ministre Colbert du roi louis XIV avec ensuite l’Académie des Beaux-Arts et l’Institut de France, malheureusement il s’arrêta suite aux évènements de mai 1968.

En 1925 il fut 2ème Grand prix de Rome de sculpture et l’année suivante en1926 il obtint le premier Grand prix de Rome pour une superbe médaille représentant « un pécheur attaqué par une pieuvre »,  il fut alors pensionnaire à la Villa Médicis de Rome pendant trois ans  de 1927 à 1930, une belle ancienne photographie le montre avec le groupe des pensionnaires à Rome.

A son retour à Paris il s’installa dans la cité des artistes de l’observatoire où ont séjourné des célébrités dont Eugène Delacroix, Jean-Baptiste Carpeaux, Paul Belmondo, il eut son atelier donnant sur le 77 de l’avenue Denfert  Rochereau. Il y habitera toute sa vie avec son épouse Jeanne Guetton, mais ils n’eurent pas d’enfant. Depuis la cité a été démolie et reconstruite en habitations et bureaux toutefois son atelier a été conservé, comme montre la photographie ancienne et actuelle.

Dès lors de 1930 à 1985 soit pendant 55 ans Georges Guiraud eut une importante activité artistique de peintre, de sculpteur et surtout de médailler.

Après les années 1970 j’allais de temps à autre le voir à Paris dans son superbe atelier typique d’artiste,  encombré de nombreuses sculptures et bustes divers en cours de finition, j’étais impressionné et sous le charme, nous discutions et il me disait qu’ il avait eu la chance de vivre à une époque mégalithique où les hommes dressent des pierres depuis les dolmens de la préhistoire, les obélisques égyptiens,  les colonnes gréco-romaines,  les croix et les statues des saints et maintenant les monuments aux morts.

C’est ainsi que mon cher oncle me fit entrer à l’Académie du Languedoc dans laquelle il m’installa au 25ème fauteuil le 30 octobre 1987 dans le foyer du théâtre du Capitole de Toulouse.

Il y avait aussi dans l’atelier une superbe statue de femme grandeur nature en marbre blanc qu’ il ne voulut  jamais vendre ni donner d’explications,  je l’admirais et curieusement selon le destin après son décès en 1989, ses héritiers directs de Paris la mire en vente aux enchères à Toulouse en 1994, pensant en faire une meilleure vente dans sa ville de naissance. Fortuitement j’ai eu connaissance de la vente et j’ai pu l’acquérir après une vive enchère,  elle est ainsi depuis dans la maison de ma mère qui fut, me dit on ensuite, un temps  son modèle !

Georges Guiraud décédera à Paris le 12 mai 1989 à l’Age de 87 ans et sera inhumé dans la Marne à Saint-Hilaire du Temple, pays natal de son épouse Jeanne.

Voici maintenant le résumé son catalogue raisonné.

Il fut ainsi d’une part peintre de portraits et de paysages, peintre de la Marine, institution créée en 1830 par le roi Louis Philippe pour primer chaque année un artiste talentueux. En 1942 il fut nommé peintre officiel du ministère de la marine, ce qui lui permit de devenir un grand voyageur par mer dans le monde entier, en Afrique, en Amérique, à la Réunion, au nouvelles Hébrides puis en Polynésie et de réaliser d’innombrables dessins, aquarelles et peintures, dont deux que j’ai pu retrouver, grâce à notre site Internet, par le musée de la marine de Paris suite à la fermeture de celui-ci récemment.

D’autre part il fut un très grand médailler.

Il fut surtout un grand et important médaillier parisien, auteur selon son catalogue raisonné de plus de 350 médailles de bronze d’argent et d’or,  réalisées en grande partie à la Monnaie de Paris pour laquelle il était accrédité. Il participait à de nombreux concours qu’il gagnait souvent. J’ai le plaisir d’avoir pu collectionner plus d’une centaine.de ses médailles.

Certaines médailles sont célèbres.

Tout d’abord la médaille la plus connue est la pièce de monnaie à la fine tète de Marianne de la IV république des années 1950 à1960 de 10 Fr. 20 Fr. et 50 Fr. Ces monnaies sont en bronze cru pro aluminium doré. Ces monnaies ont été très largement répandues pendant 10 ans, certaines ont une grande valeur numismatique lorsqu’elles ont une anomalie sur le revers de la médaille au niveau des plumes du coq qui peuvent être uniques ou multiples. Il réalisa aussi une monnaie de 100 francs très rare car peu utilisé, et des francs en or, derniers Louis d’or de France et les monnaies de la Nouvelle Calédonie.

En second lieu en 1953 la nouvelle médaille d’Honneur du Travail des chemins de fer, cette médaille créée en 1913 à trois degrés,( bronze, argent et or) a été très largement distribuée pendant des années jusqu’à nos jours en particulier pour les agents de la SNCF et d’autres secteurs administratifs.

En troisième lieu la médaille de l’Assemblée nationale française de la mandature de 1956  avec une belle tête de Marianne et au revers le devant du bureau du président.

En quatrième lieu les médailles de l’Académie du Languedoc dont il fut un des fondateurs à Paris en 1964. Il réalisa principalement la médaille de l’association Toulousaine de Paris et la première médaille de notre collier représentant la tête de Clémence Isaure sur une croix du Languedoc et notre médaille de l’ordre latin puis plusieurs autres : les médailles  du prix Apollon,  du prix Goudouli,  du prix  Renée Aspe,  celle des anciens élèves du lycée Fermat, celle de la chambre de commerce et du tribunal de commerce, celle du parc des expositions, la famille Sénac et surtout la très belle médaille de la ville de Toulouse qui est toujours distribuée. Il créa encore notre diplôme d’appartenance de fauteuil et de prix utilisé toujours depuis.

Enfin et surtout il réalisa de nombreuses médailles pour différentes personnalités, associations et sociétés. Celles pour la marine avec une médaille pour chaque lancement de navire, croiseurs,  porte-avions, sous-marins dont des « tape- bouche » au bout du canon principal pour une inauguration . Médailles pour l’armée  avec de nombreux colonels et généraux dont de Gaulle, Leclerc…Médailles pour l’aviation dont Mermoz, Potez, Didier Daurat. Médailles pour de nombreux académiciens avec leurs épées… Médailles pour des célébrités nationales lors de leurs anniversaires : Montaigne, le Notre, Alexandre Dumas, les contes de Perrault, Chateaubriand… . Médailles pour l’agriculture, l’industrie, les sports, le cinéma et enfin les pays d’outre-mer dont la Réunion, Cuba, Tahiti. Toutes ses médailles sont superbes, très fines, avec de très beaux reliefs sur l’avers et le revers, toujours classiques avec un style des années trente et toujours avec des portraits le plus souvent de profil très ressemblants et expressifs.  Enfin  les médailles sont  toujours signées  Georges Guiraud, souvent avec une ancre de marine, privilège des peintres de la Marine.

 

Dans le même temps en troisième activité il fut un grand sculpteur et réalisa de nombreuses œuvres dont certaines monumentales de 1930 à 1985.

Au début à Paris et à Rome, il réalisa de grandes statues classiques en plâtre et en terre puis il opta pour le style dit des années trente en particulier pour de nombreux bas-reliefs décoratifs, avec déjà une technique nouvelle utilisant les résines. Il réalisa ainsi le monument aux morts de son village du Cabanai,  il avait fait auparavant celui du village voisin de Mouzens.

Il eut alors déjà des commandes extérieures d’une part en 1930 en Pologne pour la stèle du directeur d’usine Victor Tézenas du Montcel et en 1931 à Séville pour décorer de sculptures le palais et les jardins du comte Castilleja.

En 1932 il participa à la reconstruction de l’église du Blanc-Mesnil avec des bas-reliefs de ciment et en 1938 à celle de Juvezy avec une grande statue de la Vierge dans le chœur.

A partir de 1933 il réalisa de nombreux monuments commémoratifs comme celui de JCN Forestier au bois de Boulogne à Paris et de R Dupray de Mahérie à Pervenchères et aussi des monuments funéraires comme le buste de Jean Romanette, musicien sur sa tombe du cimetière de Clamart.

Il réalisa encore de nombreux bustes et stèles en particulier celui d’André Blondel de la galerie de l’Ecole des Ponts et Chaussées de Paris et de Jacques Bingen à l’Ecole des Mines de Paris

En 1939 il obtient la décoration sculptée d’animaux de la nouvelle Ecole vétérinaire de Toulouse mais qui du fait de la guerre changea d’affectation pour une autre école : l’ ENSICA

Ce fut alors le début des grands monuments :

En 1947 il réalisa la très grande statue de pierre de Jean-Charles Borda, mathématicien, officier de marine, érigée sur la grande place de Dax (Landes) puis en 1948 le monument aux sous-mariniers de Toulon.

En 1950 Grand Monument aux morts de Chambery, rénovation du monument aux Morts de 1914- 1918 et 1939- 1945 et monument-buste sur colonne de l’amiral Robert Battet à Neuvy sur Loire.

En 1951 Grand Monument de Saint-Gaudens (31) des 3 maréchaux de la guerre 1914-1918,  Foch,  Joffre,  Galieni, inauguré par le président Vincent Auriol.

En  1951 Grand Monument de Chasseneuil sur Bonnière (Charentes),  Mémorial de la Résistance Française  1940-1945 avec le V de la victoire et une immense croix de Lorraine.

En 1955 Saint-Louis du Sénégal, monument du passage de l’Atlantique par Jean Mermoz et monument aux morts de Saint-Denis de la Réunion.

En 1958 monument stèle à Cortina d’Ampezzo Italie pour Déodat de Dolomieu, géologue inventeur des Dolomites.

En 1959 monument stèle de Saint-Joseph de la Réunion, Raphael Babet et monument-buste sur colonne à Yaoundé (Cameroun) pour le docteur Jamot vainqueur de la maladie du sommeil.

Série des grandes  proues de navires pétroliers de plusieurs mètres réalisées en résine par Georges Guiraud. En 1958 L’ Esso Parientis, nom du village du premier forage de pétrole. En 1960 Le Lorraine, en 1961 le Bourgogne, en 1962 l’Alsace.

En 1962 monument-buste du gouverneur général, Gaulliste en  1942 en Afrique,  Felix Eboué, à Pointe à Pitre, Guadeloupe.

En 1964 décoration en ferronneries du palais du président Houphet Boigny de Côte d’Ivoire.

En 1967 rénovation de la salle des fêtes de la mairie de Saint-Joseph de la Réunion,

En 1969 monument-stèle à Corfou, Grèce pour Nicolas Politis

En 1971 Grand monument à Montaudran à Toulouse avec stèle pour Didier Daurat, héros de l’Aéropostale.

En 1975 Grande statue en bronze de Leucate de Francoise Cezelly, héroïne de la défense du village.

En 1978 monument funéraire avec stèle aux iles Marquises pour la tombe de Jacques Brel et sa compagne  Madly, avec lesquels il avait noué une fidèle amitié pendant son long séjour en Polynésie.

Enfin en  1979 grand monument de pierre  à Villefranche de Lauragais pour Déodat de Séverac, musicien de Saint-Felix, sculpté en 1939,  puis mise en réserve à cause de la guerre et inauguré le 14 aout 1979 avec l’Académie du Languedoc.

En conclusion telle fut la belle, longue et riche vie de Georges Guiraud, qui fut à la fois peintre, médailler et sculpteur pendant 55 ans. Je tenais depuis longtemps à faire sa biographie et son catalogue raisonné de ses nombreuses œuvres. Profitant des temps de confinement j’ai pu les réaliser en éditant un livre et en vous présentant ce diaporama. Je suis ainsi heureux d’avoir fait mieux connaitre George Guiraud à tous les membres de sa chère Académie du Languedoc et à un plus grand nombre d’amateurs d’arts en général et de sculpture en particulier.

Dr Jean-François  GOURDOU