« Affiches françaises d’hier et d’aujourd’hui »
A partir de la communication de François-Régis Gastou, Secrétaire Général de l’Académie du Languedoc, présentée le mardi 21 octobre 2025
Article de Maryse Carrier (52e fauteuil)
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C’est à la projection de 130 affiches françaises d’hier et d’aujourd’hui d’une grande richesse que les membres et associés de l’Académie du Languedoc ont assisté le mardi 21 octobre dans la grande salle du restaurant « Les Arcades » place du Capitole.
La plupart de ces affiches relèvent de la propre collection de notre Secrétaire Général, certaines ayant appartenu au musée de L’Affiche créé en 1983 par François- Régis, qui resta directeur jusqu’en 2009…. Nous en retenons les plus emblématiques :
Si au 17e s. et au début du 18e s. les textes des premières affiches étaient rédigés en français ou en latin, en noir et blanc, sans pratiquement aucune illustration, la couleur apparut au 19es. avec notamment les premières affiches illustrées et aux couleurs intenses de l’imprimeur Jean-Alexis Rouchon, telle la surprenante « Au Paradis des Dames » (1850), « Vastes magasins de Nouveautés, connus pour vendre très bon marché » !
Mais l’affiche ne connaîtra un développement spectaculaire qu’à la fin du 19es., s’appuyant sur une nouvelle technique d’impression, la lithographie en couleurs, utilisée par Jules Chéret avec ses Cherettes (« Saxoléine » 1890), lequel adoptera même la chromolithographie comme certains grands artistes de l’affiche.
Deux peintres vont réaliser des affiches publicitaires parmi les plus connues de l’époque :
Alfons Mucha, d’origine tchèque et sa lithographie « Luchon, la reine des Pyrénées » (1885) et surtout Henri de Toulouse-Lautrec, qualifié souvent du titre de « Père de l’Affiche » et adepte des lithographies : nous admirons notamment son célèbre « Moulin Rouge » avec ses rares 3 titres rouges (1891) ainsi que « Le Divan japonais » (1892) mettant en scène Jane Avril, amie et muse du peintre ou « Aristide Bruant au Mirliton » (1893).
L’Affiche « La Dépêche de Toulouse » du peintre nabi Maurice Denis (1892) nous informe que ce quotidien est même en vente à Paris !
Grande émotion devant l’affiche du « Cachou Lajaunie » qui voit le jour en 1880 à Toulouse chez le pharmacien Léon Lajaunie mais dont la production vient de prendre fin en 2025 !
La séduisante Misia Natanson, égérie et mécène des arts à la Belle Epoque, illumine l’affiche de Toulouse-Lautrec « La Revue blanche » (1895), célèbre revue souvent contestataire créée par les frères Natanson.
C’est l’affiche « JOB » ( 1896) pour le papier à cigarettes, qui va rendre célèbre à 26 ans la Toulousaine Jeanne Atché !
La fameuse affiche pour « Lorenzaccio » (1896), pièce de théâtre d’Alfred de Musset, œuvre emblématique de Mucha, qui représenta surtout de jeunes femmes et surtout fer de lance du style Art Nouveau (avec ici ses arabesques) a incontestablement contribué au succès de Sarah Bernardt dans le rôle phare de cette pièce jouée au théâtre de la Renaissance.
De nombreuses et belles affiches éveillèrent en nous de succulents souvenirs de jeunesse et d’adolescence :
« Biscuits de Lefèvre-Utile » (1897) signés encore Mucha, puis plusieurs affiches de Firmin Bonisset : « les Petits – Beurre Lu » (1897), au symbolisme surprenant et original, Lu étant en outre l’acronyme de Lefèvre-Utile, « le Chocolat Poulain » (1898) dont le slogan « Goûtez et comparez » rappelle le célèbre « Goûté et approuvé » qui donna « Lu et approuvé » et « Le Meilleur Biberon …est le Biberon Robert » du nom de l’inventeur du fameux biberon Robert, à l’origine du terme argotique qui désigne les seins des femmes !
Certaines affiches nous donnent des conseils thérapeutiques : l’excellente « Liqueur du Père Kermann » (1900) « le plus grand hygiéniste du Siècle », nous rappelle que « …l’homme ne meurt que de vieillesse » et « le Thermogène » (Cappielo »-1907) guérit « Toux, Rhumatismes, Points de côté, etc.), Cappielo pouvant même se permettre en 1933 de faire la publicité du « Papier à cigarettes JOB » !
D’autre part plusieurs affiches sont des témoignages de la politique française de colonisation du 19e siècle en Indochine (« Exposition nationale coloniale de Marseille 1922 Indochine » signée Georges Capon) au « Maroc, en Tunisie… Dans un autre contexte c’est un tirailleur sénégalais (de nombreux tirailleurs sénégalais ayant combattu aux côtés des Français lors de la Seconde Guerre mondiale) qui en 1959 fera la publicité du Banania avec la célèbre formule : « Y’a bon Banania » !
A la même époque « l’Exposition internationale Arts décoratifs et industriels modernes » à Paris en 1925 connait un succès public incontestable et marquera l’apogée de l’Art déco.
La création récente des chemins de fer au début du 19es., les grands transports maritimes furent mis en lumière sur des affiches explicites signées souvent Adolphe Mouron dit Cassandre : « Etoile du Nord Pullman » (1927), « Nord Express » (1927), « Lys Chantilly » (1930), « Etat » (1932) ou « Grande Navigation Paquet » affichant le paquebot du Maréchal Lyautey, toutes ces affiches étant réalisées dans le plus pur style Art déco avec leurs formes géométriques et pures !
Dans les années 30 Charles Kiffer se spécialisa dans la représentation d’artistes, chanteurs tels que « Edith Piaf » et « Charles Trenet » (1936)… de même que plus tard Leo Kouper réalisera une magnifique affiche du génial Charlie Chaplin dans « Les Temps Modernes » (1954).
La révolution psychédélique née à San Francisco se diffuse en Europe entre 1965 et 1969 et cette contre-culture s’exprimera spécialement dans une grande production d’affiches, telles que l’affiche de concert des « Pink Floyd » (1966) d’un artiste anonyme ou celle du concert « The Doors » présenté par Bill Graham à San Francisco.
Quelques affiches font référence à des « indésirables », comme par ex. celle de Daniel Cohn-Bendit « Nous sommes tous indésirables » (1968) ou l’affiche érotique « Emmanuelle » (1974) illustrée par l’allégorie du serpent et de la pomme, publicité pour le film homonyme qui suscitera bien des désaccords !
Si le « Larousse » (1972) de Folon est une affiche intemporelle, par contre « Vedette » (1973) avec la Mère Denis, de son vrai nom Jeanne-Marie Le Calvet, est étroitement liée à l’invention récente de la machine à laver le linge.
En 1979 Foré qui fit ses études aux Beaux-Arts de Toulouse et qui obtint un prix de l’Académie du Languedoc, dont il était membre et créateur de notre médaille, rendit hommage à un corps de métier particulièrement valeureux « Les Pompiers de Paris » (1979) qui « ne mesurent pas leur dévouement », tandis que Hervé Morvan intitule son affiche: « Un Père Noël pour tous les Français »… « avec le Secours populaire français » (1980).
Peu à peu les affiches évoluent vers l’abstraction comme on peut le constater avec les 2 belles affiches « Bally » (1981) de Jacques Auriac ou le « Champagne de Castellane » (1988) de notre confrère François-Régis Gastou, qui nous présentera un florilège de ses propres créations : 3 affiches pour le « Grand Fénétra » (1980, 1981, 1984), le « Cachou Lajaunie » (1981) « pour changer la vie », la « Journée du Maire, Fête des enfants » (1984), le « Théâtre du Capitole » avec le chanteur basque Iprintzina, « Enfants de Pub. Vive la Pub » (1993), le « Salon des Arts ménagers » (2008), « La Danse fait son cinéma » (2012) et la sublime « Toulouse, capitale wisigothique » (2019), pertinent clin d’œil à la sérigraphie de Raymond Moretti, « Les Wisigoths » (1997 « Galerue » des Arcades du Capitole)
Et tandis que l’agence Avenir s’affirme en 1981 comme « l’Afficheur qui tient ses promesses » avec une jeune fille disant « le 2 septembre j’enlève le haut » et « le 4 j’enlève le bas » ne montrant alors que le dos de la jeune personne… plusieurs publicités nous invitent à un mode de vie plus raisonnable et plus responsable correspondant à une certaine évolution sociétale : « Contrex… avec un régime raisonnable» (1982) de Bernard Villemot ou « Gardez la France propre » (1982) de Raymond Savignac et « Economie d’énergie, circulez sport » (1989) de F.R. Gastou, tandis que les amoureux de Peynet se délectent toujours tendrement dans d’élégantes flûtes à champagne, mais « Champagne Perrier-Jouët » (1995) bien sûr !
A la fin de la communication, François-Régis Gastou a distribué à chacun d’entre nous un petit dossier de 12 reproductions d’affiches format A5 cartonnées. Un grand merci à lui !
Maryse Carrier (52e fauteuil).