CAUSES ET CONSEQUENCES DE LA GUERRE DE TROIE
par Emile PENA Membre associé
Lorsqu’on évoque la guerre de Troie, on pense évidemment à Homère qui l’a chantée dans l’Iliade et l’Odyssée. Cependant ce grand poète a relaté la dernière année d’une guerre qui a duré dix ans et dont les préparatifs ont requis plusieurs années également.
Comment tout cela a-t-il commencé ?
Cela débute par un banquet. C’est celui des noces de Pélée, le roi des Myrmidons, et de la néréide Thétis. En effet Thétis est l’une des filles de Nérée, l’un des dieux de la mer. De son côté, Pélée est le petit-fils du grand Zeus, le dieu des dieux. Il s’agit donc d’un mariage très important et l’on a convié tous les dieux et toutes les déesses de l’Olympe.
Toutes ? Non pas. On a oublié d’inviter une déesse et, par malchance, cette déesse, c’est Eris, la Discorde. Celle-ci va se présenter devant l’immense table dressée pour accueillir les mariés et les divinités et elle va lancer sur cette table une pomme en or sur laquelle sont gravés les mots « à la plus belle ».
Aussitôt, trois déesses vont se disputer cette pomme : Héra, l’épouse du grand Zeus, Athéna, guerrière et parée de toutes les vertus et enfin Aphrodite, déesse de l’amour et de la beauté. Comment faire pour départager ces trois divinités ?
Zeus lui-même est ennuyé, ne voulant déplaire ni à son épouse, ni à ses filles. Il a donc une idée et propose que la pomme soit décernée par une main innocente.
Pour trouver cette dernière, il faudra battre la campagne aux alentours. Et l’on va trouver un jeune berger qui garde ses moutons. On l’amène devant Zeus qui lui explique ce qu’on attende lui. Ce berger qui se nomme Pâris, et parfois Alexandre, demande à réfléchir et se retire sous une tente. Tour à tour, les trois déesses en compétition viennent le trouver. C’est d’abord Héra qui lui promet de faire de lui l’empereur d’Asie s’il lui attribue la pomme. Puis arrive Athéna qui, lui promet la sagesse et la gloire. Enfin Aphrodite lui promet l’amour de la plus belle des mortelles.
Pâris est un grand sentimental et il décerne la pomme à Aphrodite. Aussitôt, il s’attire le courroux de Héra et Athéna, les deux principales déesses. Aphrodite révèle également à Pâris qu’il n’est pas un berger mais, en réalité, un prince de la lointaine Troie, qu’on nomme aussi Ilion, cité qui se trouve au Proche Orient, dans l’actuelle Turquie. En effet, lorsque la reine Hécube de Troie allait donner le jour à un enfant, un oracle avait prédit que cet enfant causerait un jour la ruine de Troie. La reine avait alors ordonné qu’on l’en débarrasse et le bébé avait été abandonné dans une contrée lointaine.
Sachant cela, Pâris n’a de cesse que d’atteindre Troie et de se faire reconnaître par ses monarques, le roi Priam et la reine Hécube. Il y parvient. Devenu prince aux côtés de son frère aîné Hector, il se lasse vite de sa vie dorée et son père lui fait une proposition. Priam souhaite de bonnes relations avec les royaumes voisins et il demande à Pâris d’y porter ses intentions de paix et de bonne entente. Pâris accepte ce rôle d’ambassadeur qu’il mène avec succès. Puis il s’embarque vers la Grèce pour y continuer sa mission.
Un jour, il arrive à Sparte, royaume dirigé par le roi Ménélas. Celui-ci l’accueille favorablement et organise un festin en son honneur. Lorsque la reine Hélène paraît, Pâris est immédiatement convaincu qu’il est en face de la plus belle des mortelles. Aphrodite instille alors dans le cœur de la reine une violente amour pour Pâris. En catimini, les deux jeunes gens se retrouvent et s’avouent leur amour. Finalement Pâris enlève Hélène et la conduit à Troie.
Lorsque Ménélas se rend compte de cette trahison, il est trop tard, les tourtereaux sont déjà loin. Furieux, il va trouver son frère aîné, Agamemnon, roi de Mycènes, le plus important de Grèce. Celui-ci, considérant que Pâris et Hélène ont entaché l’honneur de la famille, décide de porter la guerre à Troie et de ramener Hélène. Cette expédition va être très longue à préparer. Cela va prendre des années : il faut rallier à cette cause les autres rois de Grèce, constituer une armée importante, construire de nouvelles nefs et le sort s’acharne contre les Achéens ainsi que l’on nomme parfois les Grecs. Finalement, la flotte traverse la mer Egée et l’armée met le siège devant Troie. Au cours des escarmouches qui ne manquent pas de survenir, les Achéens se battent sans grande conviction car un oracle a déclaré que le prince troyen Hector serait vainqueur pendant neuf ans.
Un autre oracle, il y en a beaucoup dans la mythologie, a également prédit que la prise de Troie ne serait possible qu’avec la venue de Achille. Mais qui est Achille ? C’est le fils de Pélée et de Thétis dont les noces sont à l’origine de ce conflit. Le temps a bien passé (il est très aléatoire en mythologie) car Achille est leur septième fils et c’est déjà un adolescent.
Comme un oracle a déclaré qu’il périrait devant Troie, sa mère a voulu le rendre invulnérable. Pour se faire, alors qu’il était bébé, elle l’a trempé dans les eaux du Styx, l’un des fleuves qui entourent les Enfers. Elle l’a tenu par un talon, seule partie qui n’a pas touché l’eau et qui n’a pas été protégée. Par ailleurs, alors qu’il est devenu un adolescent, elle l’a caché, déguisé en fille, parmi les princesses de Scyros, un royaume voisin. Mais le rusé Ulysse, roi d’Ithaque, chargé de retrouver Achille, va le démasquer et l’amener à Troie.
Achille étant pratiquement invincible, le sort de la guerre va tourner. A l’orée de la dixième année de luttes, Achille va se trouver face au prince Hector. Les deux hommes vont se livrer un combat épique et, finalement, Achille va tuer Hector. C’est la consternation chez les Troyens alors que les Achéens exultent, pensant la victoire proche.
Achille est fêté en héros, mais c’est un jeune homme vaniteux, sûr de son invincibilité. Il a pris l’habitude de parader à bord de son char devant les murs de la ville, se moquant des Troyens qui le regardent depuis le haut des remparts. Un jour qu’il s’approche très près de ceux-ci, Pâris, devenu un redoutable archer, lui décoche un trait. Ce trait va être dirigé par le dieu Apollon, demi- frère d’Aphrodite, qui a pris fait et cause pour Pâris et Hélène. La flèche va toucher Achille exactement à son talon vulnérable et, comme elle est empoisonnée, Achille meurt. Le cours de la guerre se stabilise.
Un autre duel va avoir lieu, un duel d’archers. Pâris va se confronter à un Achéen nommé Philoctète. Ce dernier est un ancien compagnon d’aventures du grand Héraklès et celui-ci lui a offert des flèches qu’il a trempées dans le sang de l’Hydre de Lerne. Les deux hommes sont de force égale et ils s’atteignent mutuellement. Alors que le trait de Pâris blesse Philoctète trop légèrement pour que le poison soit efficace, celui de l’Achéen le touche plus sérieusement et Pâris décède. La guerre maintenant s’enlise.
C’est alors que l’ingénieux Ulysse imagine le stratagème du cheval. Il demande aux menuisiers de son armée de construire un immense cheval creux. Il y fait entrer une cinquantaine de soldats en armes. Par un espion, il fait courir le bruit que les Achéens, lassés, décident de lever le siège en abandonnant sur la plage ce cheval en hommage aux dieux. Et, effectivement les Grecs font mine de s’embarquer et de voguer vers le large. Les Troyens, fous de joie, estimant avoir résisté victorieusement à leurs ennemis, vont s’approprier le cheval et le traînerjusque dans leurs murs. Dans la nuit qui suit, alors que tout dort, les guerriers achéens sortent du cheval, ouvrent les portes de la ville et l’armée grecque, revenue, investit la cité par surprise. Ce sont alors des scènes d’apocalypse, des tueries, des boucheries, des destructions, des incendies. Cependant un autre prince se trouve dans Troie. Ce n’est pas un fils de Priam et d’Hécube, c’est leur gendre. Il a épousé une de leurs filles, Créuse, dont il a un fils, un jeune garçon nommé Ascagne ou Iule. Enée, c’est son nom, est un pur héros. Dans la mythologie, le terme héros n’a pas la même acception que de nos jours. Un héros est un demi-dieu, fils d’un mortel ou d’une mortelle et d’un dieu ou d’une déesse. Enée a pour père Anchise et pour mère la déesse Aphrodite.
Ayant combattu avec son habituelle bravoure, Enée se rend vite compte que tout est perdu, la ville est aux mains des Achéens. Il n’a dès lors plus qu’un but : sauver sa famille et donc quitter Troie. Prenant sur ses épaules son père qui est devenu un vieillard impotent, avec Créuse et Ascagne, il tente de gagner une porte de la cité. Le groupe se trouve mêlé à des échauffourées et, à un moment, Enée ne voit plus Créuse qui a disparu. Il la cherche vainement et une vision lui fait comprendre qu’elle est décédée. Le cœur lourd, il va réussir à quitter la ville. Un peu plus tard, c’est Anchise qui meurt. En s’éloignant du lieu tragique, Enée et Ascagne rencontrent un groupe de Troyens qui ont également pu s’enfuir. Enée prend leur tête et, après avoir construit des nefs, ils s’embarquent sur la Méditerranée, abandonnant pour toujours ce pays. En effet, un oracle a prévu que Enée retrouverait la terre de ses ancêtres.
Au cours de ce voyage, Enée et les siens abordent à Carthage où la reine Didon les reçoit avec faste. Entre Enée et Didon, c’est le coup de foudre. Enée est tenté de rester près de Didon et d’y couler des jours heureux mais les dieux le poussent à partir vers la terre de ses ancêtres. Il va donc abandonner la reine qui, de désespoir, se suicide avec le glaive que le héros lui a lui-même offert. Finalement Enée et Ascagne vont aborder cette fameuse terre qui se trouve être l’actuelle Italie. Ils arrivent au Latium, pays dirigé par le roi Latinus. A ce moment, le roi est en butte avec l’un de ses voisins, Turnus, roi des Rutules. En effet, il a promis à ce dernier la main de sa fille Lavignie. Or celle-ci ne veut pas de Turnus et, après maintes rebuffades, le roi des Rutules a déclaré la guerre à Latinus. Arrivé dans ce contexte, Enée prend le parti de Latinus qui vient de l’accueillir, d’autant plus que Lavignie ne lui déplaît pas et que celle-ci semble également attirée vers lui. Comme souvent, la guerre va se terminer par un duel au cours duquel Enée tue Turnus. La paix revenue, notre héros épouse la princesse.
Quelques années plus tard, Ascagne, devenu un homme, quitte le Latium et va fonder une ville. Ce sera Albe la Longue. Trois siècles plus tard, selon la légende, un descendant d’Ascagne, le roi Numitor est sur le point de devenir père. Son épouse, la reine Rhéa Sylvia, met au monde deux jumeaux. On dit que le vrai géniteur serait Arès, le dieu de la guerre. C’est à ce moment que Amulius, frère de Numitor, renverse ce dernier et prend sa place sur le trône. Aussitôt, il se dit que les deux petits jumeaux risquent, en grandissant, de lui porter tort. Aussi il demande à un serviteur de l’en débarrasser. Celui-ci les abandonnera dans une contrée sauvage. Ils seront recueillis et allaités par une louve : il s’agit, bien sûr, de Romulus et Rémus.
Devenus grands, les deux frères comprennent un jour que leur oncle est un usurpateur et qu’ils sont les véritables princes héritiers. Ils tuent Amulius et remettent Numitor sur son trône. Mais les deux jeunes gens, aventureux et audacieux, quittent bientôt Albe la Longue car un oracle a prédit qu’ils trouveraient une vallée merveilleuse entourée de sept collines et qu’ils y fonderaient une ville qui resplendirait sur le monde. Ils trouvent cette vallée mais leur entente se brise. Chacun d’eux pense qu’il sera le seul à bâtir une ville dont il sera le roi. Ils se disputent et, finalement, au cours d’un duel fatal,
Romulus tue Rémus. Romulus fonde la ville de Rome et en devient le premier roi.
La lignée de Romulus qui remonte jusqu’à la déesse Aphrodite va prendre le nom de Gens Julia, tirant ce nom de Iule. Quelques siècles plus tard, dans cette lignée naît un personnage important : Jules César. Ainsi, Jules César pourra prétendre qu’il est d’essence divine puisque par ses ancêtres il peut remonter jusqu’à une déesse.
Mais alors, et depuis longtemps déjà, la légende avait fait place à l’Histoire.